M. Di Antonio (cdH).

C'est une question qui est souvent évoquée ici et qui est une question d'importance. Très récemment, des scientifiques ont montré qu'il y avait une catégorie de pesticides, les néonicotinoïdes, qui seraient directement impliqués dans la disparition des abeilles ou qui seraient en tout cas une des causes majeures. Certains pays ont réagi, l'Italie, la Slovénie et l'Allemagne en interdisant ces produits. Ce n'est pas le cas de la France qui vient récemment de renouveler pour un an l'autorisation commerciale d'un produit phare contenant cette substance toxique. Que pouvons-nous faire en Belgique? Ne pensez-vous qu'il y a urgence et que le principe de précaution devrait être appliqué? Dans ce sens, avez-vous des contacts avec vos collègues puisque l'on sait que cela ne dépend pas de nous directement?

M. le Ministre Henry, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité.

Vous avez raison évidemment de souligner l'importance du rôle pollinisateur de l'abeille. Si pour l'agriculture de notre région, l'impact économique de la pollinisation sur la production agricole et horticole wallonne n'est pas spectaculaire, on estime de 10 à 25 millions d'euros par an sur une valeur globale de 1,5 milliard d'euros, l'impact environnemental lié à un défaut de pollinisation des espèces sauvages mène à une réduction drastique de la biodiversité végétale et animale. D'autant plus que le déclin de l'abeille au sens large (abeille domestique, bourdons, abeilles solitaires) ainsi que des coléoptères, papillons, etc., participant efficacement à la fécondation des plantes est très lié à la diminution de la diversité des ressources nutritives mises à disposition de ces insectes. Cette pollinisation en réduction induit une diminution de la biodiversité et c'est le cercle vicieux qui s'emballe.

C'est pourquoi j'ai soutenu l'initiative de mon collègue Lutgen, Ministre de l'Agriculture, qui au travers un des volets du plan Maya, prévoit la restauration d'espaces riches en plantes attractives pour les insectes et dénués de pesticides en obligeant de planter deux tiers d'espèces mellifères dans les haies subventionnées, incitant dans le cadre des mesures agri-environnementales (MAE) la création de prairies fleuries mellifères.

De mon côté, j'encourage les communes au travers du soutien financier pour l'engagement et les activités d'éco conseillers, à réaliser des aménagements en faveur des abeilles et à prendre des mesures destinées à enrayer leur diminution, comme la suppression de l'utilisation de pesticides nocifs pour l'abeille. Une étude menée en 2008-2009 par la Faculté de Gembloux a pointé la varroa comme principale responsable du dépérissement de nos colonies sans pour autant pouvoir écarter totalement le facteur pesticide. Aucun lien n'a pu être établi entre la présence de ces contaminants et la mortalité des abeilles, mais il n'en reste pas moins que l'effet de ces contaminants par accumulation à des doses sublétales n'a pas été investigué.

C'est pourquoi la Direction de l'agriculture, des ressources naturelles et de l'environnement soutient un nouveau projet de recherche, intégré dans le plan Maya et porté conjointement par le CARI, le CRAW et l'ULg Gembloux Agro BioTech. Ce projet qui démarre au printemps 2011 visera notamment à évaluer la relation entre les insecticides du groupe des néonicotinoïdes et les mortalités inexpliquées dans les ruchers wallons.

Je n'ai pas la compétence d'interdire l'usage de produits phytopharmaceutiques, cette matière étant du ressort du fédéral et concerne l'agriculture. Un groupe de travail a déjà été organisé au niveau fédéral dans le cadre du Programme de réduction des pesticides et des biocides (PRPB). Ce groupe, appelé Groupe de travail conjoint Politique sanitaire Abeilles / Abeilles et Pesticides a réuni pendant deux ans un panel d'experts de tous horizons touchant de près ou de loin à l'abeille. Il avait pour but de faire le point sur les phénomènes de mortalités anormales et d'affaiblissement de colonies d'abeilles domestiques observés en Belgique. Deux problématiques ont été traitées, toutes deux de la compétence du SPF Santé publique (Service Pesticides et Engrais (DG4), Service vétérinaire (DG4), AFSCA): la lutte contre les parasites et les maladies des abeilles et l'évaluation des risques pour l'environnement (en particulier pour l'abeille) liés à l'utilisation des pesticides agricoles, en particulier les risques pour l'abeille.

Les conclusions du groupe de travail ont été diffusées dans un rapport qui n'a pas été validé en 2007. Si le groupe est bien parvenu à des résultats concrets en ce qui concerne la lutte contre la varroa, sur le volet pesticide, les différentes opinions exprimées n'ont pas permis de développer une conclusion consensuelle sur l'impact des pesticides sur le dépérissement des abeilles.

Un nouveau groupe de travail plus restreint vient d'être remis sur pied en décembre 2010 à l'initiative du responsable du PRPB : ce groupe, essentiellement composé de scientifiques (CARI, Gembloux Agro Bio Tech, Université de Gand), de l'AFSCA, du Service des Matières premières et du PRPB, aura pour mission de réévaluer uniquement la relation pesticides / abeilles à la lueur des dernières informations disponibles. Je ne manquerai pas de suivre de près les réflexions de ce groupe de travail J'imagine que nous aurons l'occasion d'en reparler. Quant à REACH, je vous rappelle que les produits phytopharmaceutiques ne relèvent pas de cette réglementation.

M. Di Antonio (cdH).

J'ai quand même l'impression que des groupes de travail en rapport, en étude, en non-accord, on tourne un peu autour du pot en ce qui concerne les pesticides. On est toujours assez rapide pour essayer de trouver les autres causes, et d'ailleurs, la plupart des actions qu'on mène jouent sur la qualité du milieu, préserver certains endroits, etc., c'est très bien mais je pense qu'on tourne un peu autour du problème. Je peux comprendre que dans les milieux agricoles, on ait besoin de certains produits, mais ceci dit, je pense que la toxicité de certains est avérée et qu'on n'évitera pas de les supprimer.

Je pense que certains gagnent du temps et nous devons être attentifs et volontaristes pour essayer de faire avancer les choses.