Député C. Di Antonio (cdH).

La Wallonie compte actuellement plus de 120 éoliennes, une centaine de permis supplémentaires ont été délivrés, et ce n'est qu'un début.

Certaines communes ont pour projet de déposer des demandes de permis pour accueillir sur leur territoire des éoliennes dans le cadre d'un partenariat public/privé.

Ces partenariats devraient permettre aux communes d'investir directement dans la production d'électricité verte mais aussi de générer des recettes.

Si ces projets sont appréciés par beaucoup, ils n'en sont pas pour autant aisés d'un point de vue légal.

Des questions se posent au niveau des marchés publics. En effet, les éoliennes supplémentaires s'implanteraient dans un parc éolien déjà existant. Le choix de la société avec laquelle le partenariat s'opérerait ne serait donc pas possible puisque la société déjà présente est un choix incontournable.

Dès lors, l'absence de marché public peut-il être un frein à ce type de projet ? Un appel d'offre doit-il être passé ? Le partenariat peut-il s'envisager automatiquement avec la société implantée sur le territoire de la commune lorsqu'il n'y en a qu'une ?

Par ailleurs, l'article 180 de la loi du 21 décembre 1994 (loi portant des dispositions sociales et diverses) permet aux communes de prendre des participations directes ou indirectes dans des sociétés publiques ou privées de production d'électricité.

Cette disposition permet donc aujourd'hui aux communes de participer à des sociétés commerciales ayant pour objet la production d'électricité verte et de répondre ainsi aux désideratas de la commune.

Cependant, les communes « sous CRAC » sont parfois défranchies par l'incertitude qui règne autour de la stabilité d'une telle décision puisque la tutelle doit donner son autorisation pour passer l'achat de telles actions.

Les communes dont les finances sont obérées, soumises à des plans de gestion, peuvent-elle prétendre à un tel type de participation dans l'énergie éolienne si cet engagement permet de diminuer la charge « énergie » de la commune et sensibilise la population à une consommation d'énergie plus respectueuse de l'environnement. La circulaire budgétaire en préparation contient-elle une disposition visant à faciliter l'achat de ce type d'action ?

M. Paul Furlan, Ministre des pouvoirs locaux et de la ville.

1. Le secteur de l'énergie et notamment celui de l'énergie éolienne suscite de nombreuses réactions depuis quelques semaines.

Après une rapide analyse de la problématique par mon administration, il s'avère que le sujet touche à des principes fondamentaux (l'autonomie communale et la gestion en bon père de famille) et concerne différentes matières (l'énergie, l'aménagement du territoire, les finances communales, les marchés publics, le patrimoine, ... ).

Tout cela nécessite une réflexion plus poussée et plus globale qui devrait notamment être menée en concertation avec le Ministre de l'Energie. A cet égard, des contacts ont déjà été établis en ce sens.

En outre, eu égard au fait qu'aucun cadre légal n'existe dans ce domaine, les parties, à savoir les communes et les sociétés privées d'énergie éolienne, recourent à l'application de diverses formules juridiques (telles que emphytéose, concession domaniale, sponsoring, marchés publics, ... ). En réalité, il y a autant de régimes juridiques différents qu'il n'y a de cas d'espèce différents, les uns et les autres étant toujours, faute de cadre juridique, à la recherche de la meilleure formule.

Avant de prendre position, il faut donc examiner, au cas par cas, les droits et obligations des parties afin de définir les contours de leurs engagements et les règles applicables à la relation contractuelle.

Or, ce qui est problématique à ce jour, c'est que de plus en plus de communes, attirées par le gain parfois très substantiel que peut rapporter l'implantation d'éoliennes, concluent des contrats avec des sociétés privées sans que soient définis de manière précise les droits et obligations des parties (étendue de la mission, modalités de rémunération, durée de la convention, ... ) et sans se soucier d'une éventuelle application correcte de la réglementation sur les marchés publics. De leur côté, les sociétés privées invoquent des situations d'exclusivité pour éviter une quelconque mise en concurrence et pour lesquelles il faut encore voir si elles sont ou non justifiées.

Certaines communes sont donc tentées de signer, parfois sans prendre le recul nécessaire, un véritable chèque en blanc, le contenu de leur engagement n'étant pas circonscrit.

2. Plus précisément, en ce qui concerne l'application de la règlementation sur les marchés publics, il faut toujours se poser la question de savoir si l'on a affaire ou non à un contrat à titre onéreux.

Dans la négative, la réglementation sur les marchés publics ne s'applique pas et il s'agira de voir dans quelle catégorie juridique ranger la relation contractuelle à conclure. (emphytéose, concession domaniale, sponsoring, ... )

Dans l'affirmative, la réglementation sur les marchés publics s'applique et la commune doit faire jouer la concurrence avant de choisir son partenaire et déterminer précisément l'objet de son marché ainsi que les droits et obligations qui y sont liés.

Dans un souci de promouvoir les énergies renouvelables, l'article 180 de la ioi du 21 décembre 1994 est utilisé par les communes afin de prendre des participations directes ou indirectes dans des sociétés publiques ou privées de production d'électricité, comme cette loi les y autorise.

Cependant, si la commune décide de constituer une société ayant, entre autres, pour objet la poursuite d'objectifs environnementaux en matière d'énergie, elle doit rester attentive à respecter la réglementation sur les marchés publics, si cela s'avère nécessaire.

A cet égard, un arrêt récent en suspension, rendu par le Conseil d'Etat, en date du 19 juin 2009, sous le numéro 194.417, vient de rappeler les grands principes à suivre dès l'instant où un pouvoir adjudicateur décide de constituer une société avec un partenaire privé.

La décision précitée peut se résumer comme suit :

Le choix d'un partenaire en vue de constituer une société échappe, en principe, à la réglementation, nationale ou européenne, des marchés publics.

Le contrat de société est régi par l'article 1er, alinéa 1er, du Code des sociétés lequel prévoit : "une société est constituée par un contrat aux termes duquel deux ou plusieurs personnes mettent quelque chose en commun, pour exercer une ou plusieurs activités déterminées et dans le but de procurer aux associés un bénéfice patrimonial direct ou indirect".

Au vu de la définition précitée, le contrat de société ne relève, en principe, d'aucun des objets retenus par l'article 5 de la loi du 24 décembre 1993 qui définit la notion de marchés de travaux, de fournitures et de services. Toutefois, pour déterminer si l'objet de "l'appel à candidatures pour un partenariat" constitue ou non un marché public de travaux, de fournitures ou de services, tel que défini aux articles 5 et 9, dernier alinéa, de la loi du 24 décembre 1993, il s'agit de déterminer l'objet réel du contrat de société et de voir s'il relève ou non d'une des définitions visées par l'article 5 de la loi du 24 décembre 1993, que ce soient des travaux, des fournitures ou des services.

S'il s'agit, par le biais d'un montage contractuel empruntant la voie du contrat de société, de confier à un partenaire une des prestations prévues par l'article 5 de la loi du 24 décembre 1993, l'opération doit alors être considérée comme un marché public et être soumise à la réglementation belge - et européenne - applicable aux marchés publics.

En d'autres termes, pour savoir si la réglementation sur les marchés publics s'applique pour désigner le partenaire privé en vue de la constitution d'une société dans laquelle une commune prendrait une participation, il s'agit de voir ce qui est concrètement confié comme mission à la société et de voir si cette mission constitue un marché public de travaux, de fournitures ou de services.

En conclusion, l'idée d'encadrer les contrats conclus dans le secteur éolien est une idée intéressante qui fait son chemin et qui apportera plus de sécurité juridique, mais elle nécessite une analyse en profondeur de la problématique et il est impossible de vous apporter une réponse toute faite.

L'idée n'est donc pas de freiner les communes dans leurs investissements en matière d'énergie éolienne.

Au contraire dans la circulaire budgétaire du 22 octobre 2009, publiée au Moniteur du 3 novembre, il est clairement indiqué que les investissements dans les énergies renouvelables sont encouragés.

Mais ces investissements ne peuvent se faire au mépris du principe de bonne gestion ce qui implique que préalablement à tout investissement, la commune se pose la question de savoir si elle en a les moyens et si ses droits et obligations sont suffisamment précis que pour éviter toute mauvaise surprise ultérieure.