C. Di Antonio (cdH)

Je sais que Monsieur le Ministre attache une importance particulière au développement des énergies renouvelables qui contribuent à la lutte contre l'effet de serre et à l'indépendance énergétique.

Le potentiel géothermique hennuyer et notamment le sous-sol de Mons-Borinage renfermerait une vaste nappe d'eau d'une température de quelque 70°C.

Les énormes progrès relatifs à cette énergie ne sont malheureusement que très peu mis à profit comme ils le pourraient.

Alors qu'ils permettraient de pouvoir bénéficier d'une source de chauffage écologique et inépuisable pouvant largement contribuer à réduire de manière significative la dépendance énergétique wallonne, l'émission de CO2 et la facture de chauffage des citoyens.

En effet, cette utilisation de la chaleur souterraine reste encore une pratique relativement peu développée alors qu'elle possède des attraits plus que séduisants. Ne relevant ni des conditions atmosphériques (vent, soleil, eau), ni de la disponibilité de certaines matières organiques comme la biomasse.

Monsieur le Ministre peut-il me dire qu'elle est la capacité géothermique de notre Région ? Quel pourcentage est utilisé ?

Les enjeux étant de taille, Monsieur le Ministre peut-il m'indiquer les mesures d'aides techniques, financières ou fiscales que vous entendez prendre notamment dans l'habitat afin de développer au mieux cette source de chaleur de la manière la plus efficiente ?

Dans la région montoise, il existe quatre lieux d'observation (Saint-Ghislain, Douvrain Baudour et Ghlin) de cette « matière première » exceptionnelle dont seuls les deux premiers seraient exploités.

L'IDEA tente dans le cadre du phasing out de l'Objectif 1 Hainaut de valoriser ce potentiel géothermique hennuyer notamment pour la ville de Mons.

Monsieur le Ministre en sait-il plus ? Très concrètement quels projets pourraient voir le jour?

J.M Nollet, Ministre du développement durable et de la fonction publique.

En réponse à la question de l'honorable Membre, je peux donner les éléments de réponse suivants.

La géothermie consiste à prélever la chaleur de la terre à l'aide d'un fluide caloporteur, généralement de l'eau sous forme liquide ou gazeuse. Deux paramètres principaux caractérisent une installation de géothermie :

- la profondeur qui détermine la température de l'eau prélevée, en fonction du gradient géothermique régional; - la formation géologique choisie qui est soit un aquifère dans lequel l'eau peut être amenée en surface, soit une formation sèche dont on prélève la chaleur en injectant de l'eau froide après avoir créé une porosité et une perméabilité suffisantes.

Suivant la température de l'eau, deux principales utilisations existent. L'utilisation de l'eau chaude par exemple pour le chauffage urbain avec une température en dessous de 100° Celsius. La production d'électricité avec une eau dont la température est supérieure à 100° Celsius.

La géothermie dite «Enhanced Geothermal System» (EGS) est étudiée et testée à l'étranger. Elle consiste à injecter de l'eau dans une formation géologique profonde dont la fracturation peut être provoquée afin de créer une porosité et une perméabilité suffisante. Le projet franco-allemand de Soultz-sous-Forêts en Alsace ainsi que de nombreux projets aux Etats-Unis en témoignent.

En Région wallonne, le potentiel global est très peu connu mais notre sous-sol est susceptible de contenir deux types de réservoirs géothermiques. D'une part, les réservoirs « naturels » que constituent les aquifères profonds, et d'autre part, les réservoirs « artificiels » qui pourraient, le cas échéant, être créés dans les roches chaudes sèches en profondeur.

D'après les chiffres du consortium Econotec-Ibam-Icedd, auteur de l'actualisation en 2008 du plan de maîtrise durable de l'énergie (PMDE), le potentiel technique connu de production d'énergie géothermique a été estimé à 208 GWh d'ici 2020, ce qui correspond à la mise en exploitation de l'ensemble du gisement géothermique de la région montoise.

Le seul site d'exploitation d'eau chaude géothermique en Région wallonne est le bassin de Mons (puits de Saint-Ghislain et Douvrain) géré par l'intercommunale IDEA.

En 1974, un forage profond découvre à plus de 2500 m de profondeur une cavité karstique remplie d'eau chaude sous pression. L'eau à 73° Celsius jaillit en tête de forage, le service géologique de Belgique vient de découvrir une source d'énergie alternative non polluante. Les forages géothermiques de Saint-Ghislain et de Douvrain alimentent plusieurs édifices collectifs et individuels.

Depuis 1985, cette eau chaude est exploitée industriellement pour chauffer à elle seule les installations de chauffage d'infrastructures scolaires, sportives et hospitalières à Saint-Ghislain et Hornu, et de 355 logements de cités. L'eau refroidie contribue ensuite au chauffage de serres, et à l'amélioration de la fermentation des boues de la station d'épuration voisine de Wasmuel. Un autre puits fut foré à Douvrain. Lui aussi rencontra l'eau chaude et contribue à fournir de l'énergie à la clinique Louis Caty de Baudour. En 2008, 10 GWh de chaleur ont été valorisés sous forme de chaleur utile. En 2020, on estime une valorisation de 75 GWh de chaleur géothermique pour le bassin Montois.

Au travers de la Déclaration de politique régionale, le Gouvernement s'est engagé à : « favoriser la production et la distribution de chaleur verte. Un décret sera adopté en vue de faciliter la mise en place et la gestion de réseaux de chaleur et de soutenir la cogénération. Une étude définira des zones prioritaires à équiper en réseaux de chaleur alimentés par des unités de cogénération ou des puits de géothermie. Les ressources géothermiques pourront ainsi être valorisées ». Comme l'honorable Membre peut le constater, la géothermie figure en bonne place pour contribuer à la production de chaleur verte en Wallonie.

En ce qui concerne le bassin hennuyer, plusieurs initiatives ont été lancées ou sont en cours.

En 2006 la Région wallonne avait financé une étude dans le cadre du programme Phasing out Objectif n°1 Hainaut (étude technico-économique relative aux possibilités d'exploitation géothermique dans le bassin Montois), pour un coût total de 159.480, 59 euros.

L'intercommunale IDEA a également élaboré un projet « Géother-Wall » relatif à l'extension du réseau de chaleur. Ce projet global concerne huit projets de valorisation de l'eau chaude géothermique de la vallée de la Haine, dont deux extensions de réseaux existants et six nouveaux projets.

Mais le potentiel géothermique doit pouvoir être exploité sur l'ensemble de la Région wallonne. Ce potentiel reste encore mal connu, alors que notre sous-sol est susceptible de contenir plusieurs réservoirs géothermiques. C'est pourquoi je compte mener une étude sur les cibles géothermiques potentielles sur l'ensemble du territoire wallon. A ce sujet, la DG04 - Direction de la Promotion de l'énergie durable a récemment rencontré la DG03 - direction des risques industriels, géologiques et miniers afin de jeter les bases de cette étude de potentiel du sous-sol wallon en matière de géothermie profonde. Le cas échéant, des campagnes de forages ciblées seront menées.

En matière d'utilisation de la chaleur géothermique, je tiens à porter à la connaissance de l'honorable Membre que la Conférence permanente pour le développement territorial réalisera une expertise en 2010 sur la définition de zones prioritaires pour les réseaux de chaleur, dont certains pourront être alimentés par la chaleur géothermique.

Dès que les résultats de ces différentes études et expertises seront disponibles, j'entamerai une démarche afin de lancer un plan d'action pour la valorisation de la géothermie en Région wallonne, en veillant à ce que le rapport coût/efficacité de la chaleur géothermique soit raisonnable notamment au regard d'autres formes de chaleur verte.