M. Carlo Di Antonio (cdH).

C'est un débat qui revient presque chaque année à l'automne : les difficultés que peuvent rencontrer certains enfants handicapés et scolarisés pour se rendre dans leur établissement scolaire. J'ai été interpellé, la semaine dernière, par une dame dont le fils est actuellement hébergé, la semaine, dans un service résidentiel pour jeunes avec autisme à Ghlin. Je prendrai donc l'exemple de cet adolescent de 14 ans pour illustrer mon propos.

Il vient d'entrer dans le secondaire à l'École de la Communauté Française à Chièvres, distante de 21 kilomètres du lieu d'hébergement. Or, il se fait que, du fait de la réorganisation des transports scolaires, son fils doit patienter environ deux heures dans le bus avant d'arriver à son école. Ceci est très éprouvant pour lui. Alors que, depuis plusieurs années, cet enfant évoluait de manière très prometteuse. Il semble qu'il commence à montrer d'importants troubles du comportement. Le transport inapproprié qu'il doit subir tous les jours n'y serait pas étranger.

Pour des familles qui doivent déjà gérer le handicap de leur enfant, c'est un problème supplémentaire qui vient s'ajouter. La durée excessive du transport scolaire peut, en effet, entrainer un rejet de l'école. II est vrai que l'organisation des transports n'est pas chose aisée, mais lorsqu'on sait que l'objectif des familles qui scolarisent leur enfant est de le rendre le plus autonome possible dans sa vie future, on ne peut que les soutenir dans leur recherche de solutions. Il ne fait aucun doute que de nombreux enfants handicapés qui doivent subir un trajet scolaire trop long régressent dans leur apprentissage. Alors qu'ils ont, plus que les autres enfants, besoin de stimulation, d'un cadre sécurisant, les conséquences de leurs trajets les empêchent d'être dans les dispositions nécessaires aux apprentissages.

Ces situations sont inhumaines et inacceptables : deux heures chaque matin et deux heures chaque après-midi, pour un trajet de 21 kilomètres !

Monsieur le Ministre, le transport scolaire des élèves relève strictement de votre compétence. Combien d'enfants porteurs d'un handicap sont-ils concernés par ce problème de transport scolaire en Région wallonne ?

Disposez-vous de chiffres à ce sujet ?

Vous annonciez, il y a deux semaines, vouloir « entamer une large concertation avec les acteurs du secteur pour dégager des pistes prioritaires afin d'optimiser la qualité du service, tenant compte de la double contrainte de la législation et des moyens budgétaires ». Disposez-vous de pistes pour améliorer la qualité du service de transports scolaires, spécifiquement pour les enfants handicapés? Concrètement, quelles mesures comptez-vous prendre à court terme pour améliorer la situation des nombreux enfants handicapés scolarisés ?

Le budget 2010 prévoira-t-il des moyens qui permettront de financer des projets visant, notamment, à limiter la durée des temps de parcours pour ces enfants-là ?

Il convient, en effet, selon moi, d'adapter l'école et ses transports aux handicaps de nos enfants, et non l'inverse. Il existe beaucoup de cas individuels difficiles. J'ai conscience qu'on ne pourra pas tous les résoudre. J'espère toutefois que des mesures seront prises pour résoudre le plus de cas possible.

M. Philippe Henry, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire et de la Mobilité.

La durée du temps de parcours en transport scolaire est, en effet, un problème récurrent qui fait l'objet de toute mon attention. Le transport scolaire a été mis en place pour garantir le libre choix philosophique des parents. Les attentes actuelles à son encontre sont bien plus nombreuses, parfois contradictoires, et les limites budgétaires contraignent les gestionnaires à trouver des optimum qui ne sont pas satisfaisants pour tout le monde.

Vous dénoncez à juste titre des situations dont on ne peut se satisfaire. Il est clair que, tant pour les enfants atteints ou non d'un handicap, que pour leurs parents, des temps de transport de trois ou quatre heures par jour ont une conséquence importante sur l'organisation familiale, mais également — et surtout — sur leur bien-être et leur développement. Ces différents éléments doivent nous amener à chercher à améliorer le système.

J'ai expliqué en détail mes intentions en cette matière devant cette même Assemblée, en réponse à M. Fourny et Mme. Barzin, le 7 octobre dernier. Il me semble inutile d'y revenir aujourd'hui.

En complément, je pense, par contre, expliciter une série de caractéristiques inhérentes au transport scolaire qui permettent de mieux comprendre le système et certaines des raisons qui sont à l'origine des durées de transport anormales de certains enfants, en particulier de l'enseignement spécial. Je vous fournirai également les chiffres qui sont à ma disposition.

Il est tout d'abord important de rappeler la différence entre les transports scolaire et public. Le transport scolaire vise à compléter l'offre du transport public pour assurer le droit des élèves (et de leurs parents) à accéder à l'école de libre choix philosophique la plus proche de leur domicile.

Si le transport public vise à proposer une offre qui répond à la demande du plus grand nombre, le transport scolaire doit offrir une réponse adaptée à chacun de ses bénéficiaires : chaque enfant en question doit être pris en charge de son domicile à l'école le matin et ramené à son domicile le soir. Ainsi, chaque année — et en cours d'année — des modifications interviennent dans les élèves bénéficiaires du droit au transport. Cela induit des adaptations permanentes, à la fois des itinéraires des bus et de leur capacité. Le travail de planification est, par conséquent, extrêmement difficile. Dés le début de l'année scolaire, les sociétés TEC doivent tout mettre en oeuvre pour améliorer la qualité de l'offre de transport en optimisant les circuits de transport scolaires (plus de 900), en prenant en charge des dizaines de milliers d'élèves et en réduisant autant que possible la durée des temps de parcours.

La priorité pour les TEC consiste à assurer la prise en charge des élèves sur les circuits exploités en juin, en adaptant au jour le jour la capacité de transport, l'itinéraire et éventuellement les horaires.

Dans un second temps, et dès que possible, si des anomalies sont constatées quant à l'adéquation du service offert, les TEC procèdent, dans la mesure du possible, à une adaptation du service. Il faut, en effet, savoir que, dans certains cas, aucune solution technique n'est possible, la distance entre l'école et le domicile de l'élève étant tellement grande que le temps de parcours sera toujours très long. C'est plus fréquent pour certaines filières de l'enseignement spécialisé et/ou professionnel ; il y a tellement peu d'écoles que le bassin de « recrutement » de chacune d'elles est très vaste.

Un exemple à citer est celui de certaines filières de l'enseignement spécialisé bruxellois qui sont saturés et ne peuvent accueillir d'élèves supplémentaires. De ce fait, des élèves bruxellois doivent être transportés vers des écoles adaptées dans le Hainaut ou le Brabant wallon. Ces transports sont très longs et les horaires (de prise en charge, d'arrivée à l'école et de retour) sont particulièrement aléatoires car le ramassage doit se faire dans toute la région de Bruxelles, à des heures où le trafic est particulièrement dense.

Il y a donc un lien direct et inverse entre la densité des établissements qui organisent une filière et les durées maximales des temps de transport. Une partie des pistes d'amélioration concernent donc une concertation entre les autorités qui organisent le transport et celles qui sont en charge de l'enseignement.

Quant au nombre d'élèves fréquentant le transport scolaire en Wallonie, celui-ci est passé de 31.500 en juin 2008, à 33.000 en septembre 2009, tandis que le nombre de circuits mis en exploitation est actuellement de 924 alors qu'il était de 906 en juin. Il va de soi que cette situation évolue chaque jour en fonction des adaptations que le TEC apporte aux services.

En fait, l'augmentation du nombre d'élèves dans le transport scolaire est régulière depuis septembre 2008. Cette croissance continue s'explique en bonne partie par la gratuité offerte aux enfants de moins de 12 ans depuis la rentrée scolaire 2008-2009. Elle a amené vers le transport scolaire une série de personnes qui, précédemment, ne cherchaient pas à faire valoir leur droit au transport. Ce coût indirect de la gratuité pour le transport scolaire n'a pas été financé par le Gouvernement précédent et est donc maintenant à charge du TEC.

A cet égard, je rappelle qu'il n'existe pas de budget spécifique pour le transport scolaire. Tant le décret du 1er avril 2004 que le contrat de gestion conclu entre la Région et les TEC précisent que le ramassage scolaire fait partie de la mission globale impartie au groupe TEC. Pour ce faire, la Région alloue chaque année une subvention globale d'exploitation qui s'élève à 327 millions d'euros pour 2009.

Pour ce qui concerne la répartition par catégories d'élèves transportés, ceux fréquentant l'enseignement spécialisé représentent environ la moitié des enfants pris en charge. L'autre moitié est constituée par des élèves de l'enseignement ordinaire qui ne disposent pas d'une possibilité de transport en lignes publiques. Quant aux informations chiffrées qui permettraient de préciser davantage la situation au niveau de la durée des temps de parcours, je n'en dispose pas encore pour cette année scolaire.

En effet, les transports privés qui exécutent 100 % des circuits TEC en matière de ramassage scolaire sont actuellement en train de transmettre leurs feuilles de circuit pour cette année. Les dernières informations disponibles avant la rentrée fixaient à 14.905 le nombre d'élèves transportés fréquentant l'enseignement spécial. Pour les élèves transportés, le temps de transport moyen était de 45 minutes (24 pour l'ordinaire, mais 60 pour l'enseignement spécial), 12 % des élèves avaient des trajets supérieurs à 1 h30 et 3 % des trajets supérieurs à 2 heures.

Enfin, quant aux actions que je compte développer, comme je l'ai expliqué plus en détail devant cette Assemblée le 7 octobre dernier, mon intention est effectivement de me concerter avec les acteurs impliqués directement ou indirectement dans Ies transports scolaires afin de dégager des pistes prioritaires.

J'ai, à cette fin, récemment demandé à l'Administration de rédiger un état des lieux de la situation et de me communiquer les propositions ou pistes de solutions aux principaux problèmes rencontrés dans le cadre du transport scolaire — dont la question des durées excessives de transport.

C'est sur cette base que je mènerai des consultations avec les différents acteurs concernés.

M. Carlo Di Antonio (cdH).

S'il y a bien une chose qui doit être améliorée en priorité, c'est le transport scolaire pour les enfants souffrant d'un handicap. Idéalement, il faudrait pouvoir adapter celui-ci de manière à se rapprocher des normes de l'AWIPH. Il faudrait prioritairement agir sur les 12 % d'enfants qui doivent être transportés plus d'une heure trente par jour, et les 3 % dont les temps de transport sont supérieurs à deux heures.

Par ailleurs, l'étude approfondie de la carte des établissements scolaires est très importante. Je pense aussi qu'il nous faut réfléchir à la manière de transporter ces enfants. Il existe des moyens de transport beaucoup plus sains. En matière de transport des personnes âgées, on s'est dirigé vers d'autres types de transport comme les taxis sociaux, à charge des CPAS, ce qui a permis d'arriver à des solutions plus efficaces avec des temps de transport adaptés.

Je pense qu'il faudrait explorer ce type de solution relativement souple.