Député Carlo Di Antonio (cdH)

Le Sommet informel des 27 ministres européens de l'agriculture qui se déroule ce début de semaine en France, tente de préparer au mieux la PAC de l'après 2013 en établissant son bilan de santé et la définition des nouvelles orientations.

Le gouvernement français qui exerce encore pendant 3 mois la présidence de l'Union Européenne a déclaré dans un document préparatoire (Comment préparer au mieux la PAC du futur) que les objectifs de la PAC renouvelée consisterait à : assurer la sécurité alimentaire de l'Union Européenne, préserver les équilibres des espaces ruraux, participer à la lutte contre les changements climatiques et améliorer l'environnement et enfin, de contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux.

Même si cela ne prend plus place dans les médias, personne n'oublie les récentes émeutes de la faim qui ont frappé et qui frappent encore plusieurs pays en voie de développement. Résultats d'une flambée des prix alimentaires et notamment des produits de base que ces nations sont obligées d'importer, après avoir été contraintes d'abandonner leurs cultures vivrières au profit de produits destinés à l'agro-industrie des pays développés se fournissant ainsi à bas prix.

Dans le cadre du bilan de santé de la PAC, Monsieur le Ministre peut-il m'informer si une étude d'impacts de la PAC actuelle sur les agricultures du sud est envisagées afin d'évaluer les corrections nécessaires en vue de « contribuer à ses grands équilibres alimentaires mondiaux » comme le défend la France à Annecy lors de cette réunion des 27.

Monsieur le Ministre peut-il également me préciser quel rôle entend jouer l'Union européenne pour favoriser voire permettre la souveraineté et l'indépendance alimentaire des pays en voie de développement ?

Un des objectifs proposés ces derniers temps est de réduire les subventions agricoles européennes et de reverser les fonds dans des projets de développement rural.

L'objectif clair de la politique agricole commune est de tenter de s'adapter au mieux aux nouveaux défis de la conjoncture actuelle et à venir. Pour cela, elle souhaite favoriser une réduction progressive des subventions aux agriculteurs.

Bien que les chiffres précis ne soient pas encore officiellement connus, il semblerait qu'une véritable révolution touchera à court terme les agriculteurs européens qui aura de fait, des répercussions sur les agriculteurs de pays tiers.

Monsieur le Ministre a-t-il plus d'informations concernant les véritables dispositions que la PAC entend prendre ?

A quoi doivent s'attendre nos agriculteurs et l'agriculture wallonne en général dans les prochains mois, années ?

M. le Ministre Benoît Lutgen

Le Conseil agricole informel qui se tenait à Annecy (France) du 21 au 23 septembre 2008 avait pour objet de lancer un débat d'idées sur ce que serait, ou devrait être, la Politique agricole commune (PAC) après 2013.

Les conceptions des participants furent extrêmement divergentes.

La Présidence française estimait qu'il faut s'entendre sur les objectifs avant de dimensionner les moyens. La Commissaire avait une approche totalement opposée : impossible de s'engager dans un tel débat avant de connaître les budgets réservés à la future PAC.

La position des douze nouveaux Etats membres était que la révision du budget et de la PAC devait avant tout consister à mieux équilibrer les niveaux d'aide entre anciens et nouveaux Etats membres. Pays-Bas, Royaume-Uni, Danemark et Suède ont, comme à l'habitude, plaidé pour que l'agriculture soit traitée comme les autres secteurs économiques et que la PAC rémunère avant tout des prestations concrètes en faveur de l'environnement, de la protection de la biodiversité ou de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les autres Etats membres ont plaidé, avec plus ou moins de vigueur, pour la pérennité du soutien au revenu, le traitement particulier des zones défavorisées et l'encouragement de l'innovation.

La Belgique, sans entrer dans les détails, a souligné que les fondements de la PAC, à savoir la fourniture régulière d'aliments en quantité et en qualité suffisantes et à des prix stables et abordables, restaient tout à fait valables.

Le maintien d'un juste équilibre entre le premier pilier nécessaire pour stabiliser le revenu des agriculteurs et le second pilier nécessaire pour répondre aux attentes des citoyens et aux défis climatiques devait être la ligne directrice à suivre. De nouveaux outils portant sur la gestion des risques et l'encouragement de l'innovation devaient être étudiés en complément aux outils existants. Enfin, et les récentes crises des marchés financiers ne font que renforcer cette position, la conservation des outils de gestion des marché agricoles et les mesures permettant de répondre aux attentes des consommateurs en matières de qualité (refus des hormones, des OGM, traçabilité, bien-être animal, etc.) sont indispensables.

Tant dans le débat en cours sur le « bilan de santé de la PAC » que dans celui à venir sur l'évolution de la PAC après 2013, j'entends défendre ces orientations.

La réforme de la PAC de 2003 et les engagements pris auprès de l'OMC ont considérablement réduit l'influence de l'Union européenne sur les marchés internationaux et en particulier sur les pays en développement. D'exportateur net, l'Union européenne est devenue importatrice nette et, seule, importe plus de produits en provenance des pays en développement que l'ensemble des autres pays développés. L'initiative « tout sauf les armes », qui offre un accès illimité et à droits nuls aux produits issus des pays en développement, contribue notablement à cette évolution.

Il est cependant difficile de faire la part des choses entre les effets structurels (évolution de la PAC) et conjoncturels (évolution du prix des produits agricoles, des devises, du pétrole) sur les agricultures du sud.

Je soutiens fermement les actions en faveur du développement agricole des pays en développement. Ces actions doivent, en particulier dans le secteur agricole, s'inscrire dans le long terme et pas dans le court terme en réponse à des crises conjoncturelles.

La proposition de la Commission d'utiliser les budgets non dépensés de la PAC (600 millions d'euros en 2008 et 600 millions d'euros en 2009) ne répond pas à cette obligation d'engagement à long terme avec des moyens garantis. D'autant plus qu'ils seront effectivement disponibles à un moment ou la situation qui les a motivé aura considérablement changé.

Il est donc à mon sens indispensable de coupler la bonne gouvernance des pays en développement à des règles d'échange équitable et de prévoir des budgets structurels pour développer des politiques de développement agricole sur le long terme.