M. Carlo Di Antonio (cdH).

Madame la ministre, afin d’éviter de répéter les propos de M. Fontaine concernant les antécédents et la décision du Conseil d’État, je passe directement à mes questions. Force est de constater que le CSA devra désormais composer avec cet arrêt du Conseil d’État. Quelle attitude adopter vis-à-vis de cet éditeur de services qui cible manifestement le public de la Communauté française à partir du Grand-Duché du Luxembourg et qui ne prétend plus se conformer à notre législation ? Dans le cadre de la directive sur les médias audiovisuels (SMA) maintenant transposée dans notre législation, une procédure de concertation entre les États de l’Union européenne est prévue en cas de délocalisation d’un éditeur de services vers un autre État membre.

Quand pourra-t-on la mettre en œuvre ? Le CSA a-t-il déjà eu des contacts dans ce sens avec son homologue luxembourgeois ? De manière générale, quelle attitude faut-il adopter ? Le CSA pourra-t-il encore poursuivre et condamner RTL-TVi pour des infractions à la législation belge ? Qu’en sera-t-il du recouvrement des amendes imposées à cet éditeur de services ? Enfin, dans l’article 2, 8o, de la loi luxembourgeoise du 27 juillet 1991 sur les médias électroniques, on définit les programmes radiodiffusés luxembourgeois comme : « tout programme luxembourgeois transmis à l’aide d’une fréquence de radiodiffusion luxembourgeoise ainsi que tout programme luxembourgeois pour lequel une concession pour programme radiodiffusé luxembourgeois a été accordée, même en l’absence de transmission de ce programme à l’aide d’une fréquence de radiodiffusion luxembourgeoise ».

Étant donné que RTL-TVi utilise une fréquence de radiodiffusion de la Communauté française pour émettre sur notre territoire, ne peut-on s’inspirer de cette disposition pour faire entrer cette chaîne privée dans notre giron ?

Mme Fadila Laanan, ministre de la Culture et de l’Audiovisuel.

Le Conseil d’État a estimé que les chaînes RTL-TVi et Club-RTL relevaient bien de la compétence exclusive du Grand-Duché de Luxembourg. Cette décision a le mérite de mettre fin à de longs mois d’incertitude. Elle ne peut faire l’objet d’aucun appel et est donc devenue vérité judiciaire à laquelle les autorités comme le CSA doivent se soumettre. Le rapport argumenté de l’auditeur du Conseil d’État, rendu début octobre 2008, laissait peut d’espoir de confirmer la compétence de la Communauté française sur les services que le CSA estimait édités par la SA TVi, établie à Bruxelles.

Je reste toutefois étonnée que le Conseil d’État ait finalement retenu comme élément déterminant le fait que RTL-TVi et Club-RTL bénéficient d’une concession au Luxembourg. En effet, le principe fondamental de la directive « Télévisions sans frontières », devenue aujourd’hui « Service médias audiovisuels (SMA) » était de privilégier l’application du droit du pays d’établissement plutôt que tout régime d’autorisation. Comme le Conseil d’État a estimé ne pas devoir consulter la Cour de justice des Communautés européennes alors que cela avait été demandé, cette décision n’emportera probablement pas la pleine adhésion des juristes qui auront à plaider sur des situations comparables.

Je confirme qu’il est important que le Conseil d’État ait tranché dans ce litige, même s’il en coûtera un peu moins de 800 000 euros à la Communauté française en raison des amendes infligées et qui ne seront pas perçues. En effet, des amendes sont venues s’ajouter à la première de 500 000 euros liée à l’absence d’autorisation de RTL. De manière générale, le CSA ne pourra en effet plus contrôler les services de RTL et de Club-RTL. Il ne pourra très probablement plus non plus exercer de contrôle sur Plug-RTL, qui est indépendante des deux autres chaînes, mais je présume que le Conseil d’État ne se dédira pas sur ce programme. Comme le souligne M. Fontaine, une procédure exceptionnelle conforme à la directive Télévisions sans frontières pourrait aboutir à une décision du CSA visant à suspendre la distribution d’un service européen qui aurait violé à plusieurs reprises les dispositions en matière de protection des mineurs et de dignité humaine. Cependant, de la même manière que cela s’est déjà produit aux Pays-Bas, où des chaines de CLTUFA sont également actives, une condamnation pénale pourrait être prononcée par un tribunal de l’ordre judiciaire dès lors qu’un fait pénalement répréhensible aurait été commis sur le territoire national.

Les dispositions que je viens d’évoquer ont été introduites de manière générale, bien avant que ne se pose le problème des chaînes de la CLT-UFA, et non ad hominem. Elles figuraient déjà à l’article 22, § 5, du décret du 17 juillet 1987 sur l’audiovisuel, article abrogé par le décret du 27 février 2003 sur la radiodiffusion. Il n’en reste pas moins que les services en question s’adressent clairement au public de la Communauté française et, dans ce cadre, comme le souligne M. Fontaine, il y aurait lieu de leur appliquer les dispositions qui ont été adoptées par votre assemblée et qui ont été incluses dans la directive « SMA » grâce au combat acharné de la Belgique.

Sans attendre cette transposition, j’ai noué depuis quelques années des contacts avec mon homologue luxembourgeois, Jean-Louis Schiltz, en vue de conclure un accord entre la Communauté française et le Grand-Duché de Luxembourg, dans l’esprit de la coopération entre États désormais exigée par la directive « SMA ». Une rencontre a eu lieu avec des représentants luxembourgeois à mon cabinet, le 14 janvier dernier. Des propositions précises leur ont été soumises et nous attendon leur réaction. L’idée serait d’appliquer aux services de la CLT-UFA destinés à la Communauté française des règles que nous jugeons essentielles comme celles qui entendent protéger les enfants envers des contenus dommageables et la publicité.

Toutefois, cet accord politique devrait être selon moi plus étendu et englober un accord destiné à favoriser la coproduction cinématographique et audiovisuelle entre la Communauté française et le Grand-Duché de Luxembourg. Il faut savoir que la rencontre du 14 janvier a eu lieu avant que ne soit rendu l’arrêt du Conseil État. Nous attendons une dernière rencontre avec les représentants luxembourgeois pour vérifier si la donne n’a pas changé pour eux.

J’en viens aux contacts entre les régulateurs des deux pays. La CSA francophone belge est unique. Du côté luxembourgeois, la régulation est assurée par la Commission nationale des programmes et par le Service des médias du gouvernement grand-ducal. Si le CSA rencontre régulièrement la Commission nationale des programmes lors des réunions des régulateurs de la radiodiffusion, aucun contact officiel n’a encore eu lieu au sujet du dossier RTL-TVi, faute d’en connaître l’issue juridique.

Enfin, la décision du Conseil d’État relative à la CLT-UFA est susceptible d’être appliquée à l’identique à toute autre chaîne européenne se trouvant dans la même situation. Il s’agit là d’un effet tangible de la politique de libéralisation des services menée à marche forcée par la Commission européenne depuis la fin des années 1980. Je ne vous cacherai pas que cela pose un sérieux problème dès lors que la part de marché des services de télévision non francophones est désormais majoritairement aux mains d’opérateurs échappant à notre Communauté.

La question de M. Di Antonio est très technique. Je ne connais pas encore par cœur la règlementation luxembourgeoise et l’article 5, § 8. Je lui enverrai une réponse écrite pour compléter ma réponse orale.

M. Carlo Di Antonio (cdH).

Au-delà de l’affaire en cours, cette décision ouvre la porte à tous les excès, d’où l’importance des négociations qui seront entamées. La directive SMA prévoit la procédure de concertation. Espérons que nous pourrons rapidement conclure dans ce cas précis. Quant à votre méconnaissance des lois luxembourgeoises, elle est totalement pardonnée et j’attends votre réponse écrite