Député Carlo Di Antonio (cdH).

Les médias la dénoncent régulièrement et les études continuent à la pointer du doigt. Pourtant, la fracture salariale entre les femmes et les hommes est toujours bien réelle. L'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, dans son bilan sur l'écart salarial en Belgique en 2008, souligne que l'écart salarial entre les femmes et les hommes ne recule pas spontanément, que la ségrégation sur le marché du travail en est la première cause, que le temps partiel qui concerne essentiellement les femmes tend à amplifier le phénomène et que finalement d'importantes disparités résultent du secteur dont la personne relève.

À une époque où le pouvoir d'achat est en crise et où les perspectives économiques sont incertaines, l'inégalité salariale se traduit inévitablement par une inégalité sociale plus vaste, ce qui souligne une fois de plus son caractère inacceptable.

Monsieur le Ministre détient-il des informations sur l'écart salarial en Région wallonne ? À combien s'élève-t-il actuellement ?

Est-il possible d'obtenir des données par secteur (privé et public) ?

Dispose-t-on d'informations concernant le personnel employé au sein des CPAS et plus particulièrement concernant les bénéficiaires de RIS mis à l'emploi au travers de la mesure article 60, § 7 ?

Le récent projet de décret du Monsieur le Ministre relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination, en ce compris la discrimination entre les femmes et les hommes, en matière d'économie, d'emploi et de formation professionnelle, aborde-t-il la question de la fracture salariale ? Si oui de quelle manière ? Aborde-t-il la question d'une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale ? Si oui que propose-t-il ?

M. le Ministre JC. Marcourt

L'égalité salariale entre les hommes et les femmes, si elle est revendiquée depuis des décennies par les travailleurs et instituée en tant que droit, n'est malheureusement pas encore acquise pour plusieurs raisons et notamment parce que:

- certains secteurs d'activités et certaines fonctions pour lesquels les salaires en vigueur sont plus élevés sont encore majoritairement occupés par des hommes;

- le travail à temps partiel et les carrières interrompues concernent encore majoritairement les femmes;

- malgré la nouvelle classification des fonctions, un même travail peut encore être associé à plusieurs fonctions liées à des salaires différents.

De manière générale, en Belgique, selon le rapport publié en 2008 par l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes (IEFH), l'écart salarial hommes / femmes, pour les employés, se situe autour de 30 % alors que pour les ouvriers, il est aux alentours de 20 %. Dans le secteur public, l'écart salarial est de 10 % pour les contractuels et de 0 % pour les statutaires.

En 2007, en Wallonie, le salaire moyen des salariés assujettis à l'ONSS, en milliers d'euros par équivalent temps plein, était de 31,4 pour les hommes, 28,6 pour les femmes et 30,2 au total. Ce qui donne, sur base des données arrondies à une décimale, un écart salarial hommes-femmes de 8,9 et, sur base des données brutes, un écart de 9,1 en 2007. L'écart salarial entre hommes et femmes (gender gap) mesure la différence entre le salaire moyen des hommes et le salaire moyen des femmes, exprimée en pourcentage du salaire moyen des hommes. Cet écart tend, en Wallonie, à diminuer avec le temps; il était de 10,3 % en 2004 et de 11,5 % en 2000.

L'enquête sur la structure et la répartition des salaires, basée sur les codes NACE, est utilisée notamment pour rendre compte des différences salariales selon certaines branches d'activité, au sein des entreprises d'au moins dix travailleurs. Les écarts salariaux mensuels bruts moyens par secteur, pour la Wallonie, sont abordés à la page 58 de la publication réalisée par l'IWEPS et le CWEFH : " Les facteurs de précarité. Photographie statistique de la situation des femmes et des hommes en Wallonie " jointe en annexe.

Ces données confirment les différences constatées, selon les secteurs, dans les écarts salariaux hommes / femmes et s'expliquent par les raisons évoquées ci-avant et, en particulier, mais pas uniquement, par l'ampleur du travail à temps partiel dans la population féminine.

En ce qui concerne le personnel employé par les CPAS, ce sont les barèmes légaux qui sont appliqués de manière identique pour les hommes et pour les femmes. Quant aux Articles 60, pour lesquels il n'existe pas de barème légal, les CPAS sont tenus de leur appliquer un barème qui corresponde au moins au salaire minimum garanti, en lien avec les fonctions exercées, et qui est le même pour les hommes et pour les femmes. Des données très détaillées sur les travailleurs Article 60 sont disponibles sur le site http://www.mi¬is.be/themes/egov/stats/index fr.htm du SPP Intégration sociale.

Des progrès ont évidemment été engrangés grâce aux législations en vigueur et à la concertation sociale, toutefois, en la matière, et tant que l'égalité ne sera pas effectivement acquise, il convient de poursuivre une politique proactive de gendermainstreaming dans toutes les mesures mises en œuvre.

Ainsi, en ce qui concerne les mesures prises dans les politiques relevant de l'économie et de l'emploi, si, depuis plusieurs années déjà, les offres d'emploi et les offres de formation diffusées dans tous les sites physiques et Internet du Forem et de ses partenaires sont déclinées au masculin et au féminin, il ne s'agit évidemment pas de la seule mesure prise pour permettre l'accès des hommes et des femmes à toutes les fonctions et métiers et pour supprimer les écarts salariaux.

Sous l'angle «travailleur/euse avec ou sans emploi», toute une série de mesures correctrices en matière d'insertion socioprofessionnelle ont été prises, visant notamment à faciliter l'insertion professionnelle des demandeurs(-euses) d'emploi discriminé( e)s :

- DIISP: dispositif intégré d'insertion socioprofessionnelle (priorité d'accès et de moyens pour les demandeurs d'emploi fragilisés);

- conventions de formation et d'insertion socioprofessionnelles conclues entre la Région wallonne, le Forem et différents secteurs d'activité tels Agoria, Cefora, Educam, Formelec, Secteur de la construction, secteurs verts, agro-alimentaire, ...;

- soutien de la Région wallonne aux coordinations provinciales égalité des chances hommes/femmes volet socio-économique et aux projets développés par celles-ci;

- sensibilisation des femmes à l'esprit d'entreprendre et accompagnement des futures «entrepreneuses» (ex: projet « femmes d'affaires - affaires de femmes» / couveuse d'entreprises Job'In);

- développement du micro-crédit (dont l'évaluation montre qu'il bénéficie particulièrement aux porteuses de projet);

- développement de la méthodologie du «Jobcoaching », pour un soutien à l'insertion socioprofessionnelle et un maintien dans l'emploi (via les Missions régionales pour l'emploi) et mise en œuvre du jobcoaching sectoriel dans le secteur de la construction dans le cadre d'un projet EQUAL « diversité - construction ».

Par ailleurs, la politique menée depuis 2006, en matière d'accueil des enfants et d'aide aux personnes dépendantes, dans le cadre du Plan d'Actions prioritaires pour l'Avenir wallon, contribue également à une conciliation vie privée-vie professionnelle plus efficiente et à la suppression des causes les plus importantes de précarisation des femmes (interruption de carrière, temps partiel, voire retrait du marché de l'emploi). Ainsi, depuis 2006, un budget important a été mobilisé pour l'octroi de :

- 1.535 emplois subventionnés dans le secteur de l'accueil des enfants (dont 1.335 budgétisés dans le cadre du Plan Marshall) pour augmenter la disponibilité professionnelle des parents (et surtout des femmes) et assurer une place d'accueil de qualité à un maximum d'enfants, quels que soient les revenus de leurs parents (plus de 6.000 places d'accueil devraient ainsi pouvoir être ouvertes grâce à ces emplois subventionnés dans les crèches, MCAE, haltes-garderies et dans l'accueil extrascolaire) d'ici fin 2009 ;

- 1.708 emplois subventionnés dans les services d'aides aux personnes dépendantes, en particulier dans les services d'aide aux seniors, aux personnes malades et aux personnes

Sous l'angle « entreprise », une politique globale de gestion de la diversité et de lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi, articulée autour de deux axes, est actuellement implémentée en Région wallonne à titre expérimental.

Axe 1: Politique de sanction des discriminations en matière d'emploi, pour ce qui relève des compétences de la Région wallonne; via le nouveau décret relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination, en ce compris la discrimination entre les femmes et les hommes, en matière d'économie, d'emploi et de formation professionnelle, qui sera soumis au Parlement wallon dans· les prochaines semaines.

Axe 2: trois principales mesures incitatives visant à encourager et à valoriser les initiatives des entreprises et organisations en matière de diversité.

Par « gestion de la diversité », il convient d'entendre la mise en ?uvre, dans le cadre d'une concertation sociale au sein de l'entreprise ou de l'organisation, d'une politique de gestion des ressources humaines, axée sur le management des compétences, s'inscrivant dans le respect de l'égalité des droits et de traitement de tous les travailleurs (avec ou sans emploi) et se traduisant par des mesures structurelles et des résultats concrets en la matière .

1° Chartes « Lutte contre la discrimination et en faveur de la gestion de la diversité des ressources humaines dans les entreprises» (près de 100 chartes ont été signées par des entreprises et/ou secteurs d'activité).

2° Aides (de 10.000 euros) à la gestion de la diversité des ressources humaines dans les entreprises et les organisations pour soutenir la mise en ?uvre d'une politique de gestion de la diversité en entreprise.

3° Prix annuel wallon « Diversité et ressources humaines dans les entreprises et les organisations» récompensant des initiatives particulièrement significatives en matière de gestion de la diversité. Pour mémoire et à titre d'exemple, l'initiative primée en 2007, dans la catégorie «grandes entreprises », concernait une pratique de recrutement et de gestion du personnel favorisant l'intégration de femmes «ingénieurs, chefs de chantier, ... » dans une grande entreprise de construction (WUST - Malmedy).

L'objectif de ces mesures est bien sûr de lutter contre les discriminations à l'embauche, et durant la carrière professionnelle, et donc notamment en matière d'égalité salariale, mais également de contribuer à ce que la gestion de la diversité en entreprises, au niveau des ressources humaines, mais aussi de l'approche clientèle ou produits, soit source d'innovation, de différenciation, de compétitivité et de création de richesse.

La mise en œuvre de ces mesures s'accompagne en outre d'une campagne de sensibilisation au travers de toute une série de séminaires relatifs à la lutte contre les discriminations sur le marché de l'emploi et à la plus-value d'une gestion efficiente de la diversité des ressources humaines dans les entreprises et les organisations, organisés depuis fin 2006 par le Consortium Forem-ULg-HEC-EGID-CRIPEL. Ces séminaires rassemblent toujours plus de participants, ce qui laisse augurer d'une attention toujours accrue des entreprises et gestionnaires des ressources humaines pour ces thématiques.

Ces mesures, qui visent notamment à favoriser l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ainsi qu'une meilleure conciliation vie privée / vie professionnelle, sont évoquées, à titre exemplaire, dans le commentaire des articles, relatifs aux mesures correctrices, du décret relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination, en ce compris la discrimination entre les femmes et les hommes, en matière d'économie, d'emploi et de formation professionnelle, qui vient d'être voté par le Parlement wallon.

En effet, la problématique de l'égalité salariale relevant des relations de travail, et donc du champ de compétences du fédéral et non des régions, est abordée en tant que telle, non pas dans le décret du Conseil régional wallon, mais bien dans les lois fédérales anti-discrimination de 2007.

Enfin, l'honorable Membre est cordialement invité au séminaire sur l'équité salariale, associant Mme Marianne Geisser, du Bureau national suisse pour l'égalité entre les femmes et les hommes, et coordinatrice des ouvrages « Quand le travail est le même» et «L'égalité des salaires en pratique », qui, bien qu'ayant malheureusement dû être différé, sera organisé, début 2009, dans le cadre de la campagne de sensibilisation des entreprises, menée en Wallonie.