Député C. Di Antonio (cdH)

J'interrogeai récemment le Ministre André Antoine sur la question de la valorisation des charbonnages wallons et j'aimerais, en attendant de recevoir sa réponse, connaître le positionnement de Monsieur le Ministre sur ce sujet en termes de développement économique.

En Europe, la Grande-Bretagne est à la tête de l'initiative européenne de centrales à charbon propres et participe au développement de démonstration de la capture et de la séquestration du carbone en Chine. L'Allemagne a récemment remis en activité certaines houillères. Des investisseurs australiens seraient en passe de récupérer le méthane du charbon dans certaines mines françaises.

Qu'en est-il dans notre Région? Une réexploitation de nos mines est-elle envisageable ?

J'apprends par Ia presse qu'une joint-venture est en passe d'exploiter, de développer et de produire du méthane présent dans les mines wallonnes. Monsieur le Ministre a-t-il plus d'informations sur ce dossier ?

Des réservoirs appropriés pourraient se trouver dans les charbonnages du Hainaut. Ceux-ci pourraient constituer des zones préférentielles car le stockage de C02 pourrait y être associé à une exploitation non polluante d'énergie par récupération stimulée de méthane, voire d'un captage d'énergie géothermique résiduelle dans les charbonnages fermés.

De fait, un sujet aussi innovant que celui de la capture et du stockage du C02 ne peut s'envisager que dans un contexte international et en synergie avec l'ensemble des acteurs. C'est pourquoi, j'aimerais connaître les implications et les positions de notre Région tant au niveau européen que mondial sur cette question.

Compte tenu de l'importance stratégique que semble avoir ce secteur, tant sur le plan économique, qu'écologique et technologique qu'en matière de création d'emplois nouveaux, quelles possibilités pourraient s'ouvrir à notre Région dans ce domaine ?

Pour être efficace et économiquement viable, il semblerait qu'une installation de capture de gaz carbonique doit être mise en service à proximité d'importantes sources d'émissions comme les cimenteries, les aciéries ... Ceci pourrait être une réelle opportunité pour le Hainaut s'il s'avère qu'aucun impact environnemental négatif s'en dégage.

M. le Ministre JC. Marcourt.

Plusieurs régions d'Europe sont concernées par l'examen de nouvelles possibilités d'exploitation du sous-sol carbonifère, et des installations que l'on peut qualifier de pilotes industriels permettent en ce moment de tester économiquement et techniquement les possibilités d'une relance d'exploitation.

Il est important de sérier les différentes activités envisagées, car elles ne présentent pas toutes les mêmes contraintes et caractéristiques.

L'expression « relance du charbon wallon », parfois utilisée, me semble inappropriée. Compte tenu des caractéristiques des bassins houillers de Wallonie, et de l'état actuel des veines, souvent noyées, peu accessibles, on ne peut distinguer de perspective minière crédible pour l'extraction du charbon. Il convient donc de sérier les pistes d'exploitation possible.

La première piste est celle de la récupération du méthane.

L'exploitation du charbon a piégé des quantités assez importantes de grisou, qui est en fait du méthane ou du CH4, pour lequel un intérêt se manifeste en Région wallonne. Il s'agit de récupération du gaz, par forage approprié dans les anciennes mines. Cette activité peut s'avérer rentable, quand les quantités récupérées sont significatives. Bien entendu, les réserves sont épuisables.

La deuxième piste est celle de la séquestration du C02.

Les veines carbonifères qui n'ont pas été exploitées peuvent être utiles pour séquestration suite à la capture du C02, tout en présentant l'avantage de contenir du grisou lui aussi récupérable. Sans entrer dans le détail technique, il s'agit, avec injection sous pression, de libérer le méthane pour le remplacer par le C02.

La troisième piste est celle de l'extraction directe.

Dans certaines zones européennes, il est envisagé d'extraire le charbon lui¬même. Une reprise d'activité est notamment enregistrée en Allemagne, un projet d'ouverture de mine est même en discussion en Bourgogne.

Ces trois pistes nécessitent des opérateurs différents, font l'objet d'intérêts industriels d'origines diverses et sont à des stades de développement eux aussi différents. Il convient donc de les aborder une à une.

1. L'exploitation du méthane contenu dans les mines ayant fait l'objet d'une exploitation charbonnière est un projet connu. Aux Etats-Unis, plusieurs exploitations sont en service, au Nouveau-Mexique et en Alabama, pour évoquer les plus connues. Les charbonnages wallons eux-mêmes ont connu une exploitation assez importante du grisou du sous-sol carbonifère.

L'entreprise EGL Europe tente actuellement d'obtenir des concessions ou droits d'exploitation du gaz contenu dans des mines wallonnes. La faisabilité technique de l'opération ne semble pas faire vraiment problème. Une exploitation comparable est en fonctionnement à Forbach, en Lorraine française, et semble fournir des résultats probants.

EGL étend maintenant son action dans la Région Nord de la France, appuyée par l'ensemble du groupe Kimberley, d'origine australienne, lui-même en joint venture depuis peu avec la CNP.

La question des concessions minières est déterminante, et chez nous plus complexe qu'en France où elle est centralisée chez Charbonnages de France, société en liquidation. En Wallonie, les concessions sont fractionnées mais en outre elles impliquent des responsabilités pour les dégâts passés et à venir. Une nouvelle exploitation gazière n'entend pas porter les problèmes charbonniers du passé. Il est nécessaire que des évolutions juridiques soient enregistrées pour faire progresser le dossier de manière significative. Cette partie de la question sera donc utilement adressée au ministre qui a l'Environnement dans ses attributions.

Du côté du département de l'Economie, ce type d'exploitation peut être vu de manière positive puisqu'une nouvelle ressource énergétique de qualité, même épuisable, est la bienvenue dans le contexte énergétique actuel. Par ailleurs, la mémoire de l'expérience et l'expertise sont telles que les réunir autour de nouveaux projets semble parfaitement adéquat.

2. Les Gouvernements qui se sont tenus les 15 mars et 18 octobre 2007 étaient consacrés au changement climatique et comportaient la conduite d'une expérience pilote de reprise et d'enfouissement du C02, couplée à une récupération du grisou-méthane contenu dans des veines carbonifères. Il apparaît aux géologues et aux spécialistes que la zone la plus favorable pour mener cette expérience intéressante se situe dans le Houiller du Hainaut, soit en résumé de l'Ouest de Charleroi jusqu'au Nord de Mons. Une partie de cette zone est bien connue car elle a été explorée au moment où l'on expérimentait la gazéification souterraine du charbon, à Thulin.

Le Gouvernement a décidé de procéder par appel à projets et octroiera une aide au projet qui lui apparaîtra le plus adéquat, répondant aux différents critères repris dans l'appel à projets.

Cette procédure de sélection est en cours, et on ne peut présager ses résultats exacts. Deux marques d'intérêt ont été exprimées devant les services dépendant de l'Economie. Elles semblent très positives et montrent que les industriels sont en train de réfléchir à des solutions d'avenir pour affronter le problème des émissions de C02 tout en préservant une production industrielle de grande échelle en Région wallonne.

Le contact a été établi avec l'entreprise Kemira, aujourd'hui Vara, du nom de la société d'origine norvégienne qui en est maintenant propriétaire. Celle-ci utilise une grande quantité de gaz comme matière première et est donc intéressée par une source alternative. Par ailleurs, elle émet du C02 sous forme « captée », ce qui lui permet de participer directement à une expérience d'enfouissement. Située à proximité du bassin houiller adéquat, l'entreprise semble être un partenaire naturel du dossier.

D'autre part, le sidérurgiste Mittal possède des concessions charbonnières. Il a évidemment intérêt à faire progresser la maîtrise de ses émissions de C02, et participe pour cela au programme ULCOS, visant à améliorer le processus de fabrication de l'acier. Outre cette amélioration de process, et l'aboutissement de la capture du C02, Mittal marque un intérêt pour la séquestration de celui-ci.

Si l'on ajoute le fait qu'en Wallonie, la connaissance du sous-sol est assez poussée, avec des équipes de géologues compétents, tout indique qu'il doit être possible de structurer une collaboration positive, à finalité industrielle. Il y a donc place pour une complémentarité recherches - industries.

Dans ce dossier, le point de vue du Ministre de l'Economie est que la Wallonie ne peut manquer d'être pionnière en capture et séquestration, comme en récupération du méthane. Elle dispose des forces pour y parvenir. Le souhait est donc que la collaboration sur projet industriel à terme rapproché prenne forme et que la Wallonie fasse rapidement ses preuves sur un dossier industriel pilote concret.

Ceci permettrait une mise au point, à terme raisonnable, des éléments techniques, mais aussi environnementaux et de sécurité.

3. Enfin, l'exploitation directe du charbon ne peut être considérée comme étant à l'ordre du jour pour le moment en Wallonie.

Cette question parlementaire fait état, à juste titre, de l'importance stratégique du dossier. Cela fait partie du grand tournant industriel que doit prendre une région qui entend soutenir sa capacité industrielle. Il doit permettre de concilier en Europe la grande production avec le souci des contraintes climatiques.

Il s'inscrit aussi dans le sillage d'une histoire industrielle qui nous est propre et que nous pouvons poursuivre d'une nouvelle manière prometteuse.