M. Carlo Di Antonio (cdH).

Le marché international du disque et de l’édition musicale 2008 s’est tenu à Cannes en cette fin janvier. C’est un moment important. Les réductions d’effectifs dans les maisons de disque, les protestations des artistes et la chute des ventes mondiales sont les conséquences d’un bouleversement complet du monde musical.

De nouvelles stratégies numériques de vente se perfectionnent pour contrebalancer cette chute. Il faut pourtant que les technologies et la musique interagissent au profit du monde musical dans son ensemble.

Plusieurs pays instaurent de nouvelles règles pour sanctionner le téléchargement illégal en ligne, allant même jusqu’à la radiation à vie des fournisseurs internet et des peines de prison.

En tant qu’organisateur du festival de Dour, je puis vous dire qu’on sent très fort les conséquences de cette évolution du monde musical. En effet, étant donné la chute des revenus des disques, on assiste à une augmentation énorme des cachets de concerts qui deviennent un des seuls moyens pour les artistes de s’assurer des revenus suffisants.

Les conséquences se font évidemment sentir dans l’organisation des spectacles, les prix des places de concert, etc. Tout cela a été évoqué au Midem. Quel bilan tirez-vous de cette trente-deuxième édition ?

À court terme, à quels véritables changements doivent s’attendre les artistes et le public ? Avez-vous en votre possession le bilan 2007 du marché du disque en Communauté française ? Selon l’évolution actuelle, il serait question d’une fin programmée du disque pour 2010. Qu’en est-il réellement chez nous ? Pourriez-vous me communiquer le montant engagé par la Communauté française afin de favoriser la participation de nos producteurs au Midem, puisque y être présent reste fort important ?

Enfin, quels dispositifs de paiement en ligne sont-ils favorisés par le Midem pour le téléchargement légal ? En effet, si le téléchargement permet un accès relativement gratuit à la musique, il existe sans doute des gens qui voudraient utiliser le téléchargement pour des raisons de facilité et qui sont prêts à en payer le prix. Mais il faut un dispositif aisé et c’est sans doute le problème qui reste à résoudre.

Mme Fadila Laanan, ministre de la Culture et de l’Audiovisuel.

Je ne suis restée que peu de temps au Midem. Les différentes réunions auxquelles j’ai assisté ont limité mes possibilités de sillonner les couloirs du Palais des festivals pour prendre la température de cette édition 2008. Les interlocuteurs du secteur que j’ai eu l’occasion de croiser m’ont fait part des difficultés structurelles qu’ils rencontraient en cette période de transition des marchés musicaux traditionnels vers ceux des supports numériques.

L’heure est donc effectivement à la remise en question mais celle-ci est très créative et a le mérite de replacer le travail artistique au centre des débats. Il m’a été ainsi rapporté que les organisateurs du Midem 2008 avaient déployé de nombreux efforts pour multiplier les concerts et les prestations vivantes alors qu’antérieurement, les prestations s’effectuaient le plus souvent à partir de supports préenregistrés.

Les chiffres du marché du disque seront communiqués demain par l’IFPI, l’association des producteurs de phonogrammes. Il n’existe donc pas de chiffres particuliers à la Communauté française. Pour mémoire, ces chiffres concerneront principalement les ventes réalisées par les majors, l’implication des ventes du secteur des producteurs indépendants étant peu perceptible par ce biais. La tendance qui se dégagera de cette communication sera, à mon sens, sans grande surprise dans la mesure où elle mettra en exergue la progression du marché des téléchargements et une régression de celui des supports traditionnels. Ce constat permet de répondre à votre seconde sous-question relative aux changements à court terme auxquels doivent s’attendre les artistes.

L’évolution du marché musical montre une acclimatation progressive du public aux nouveaux modes de distribution, tels que le téléchargement, l’offre conjointe avec des journaux, etc. Je persiste à croire que ces évolutions devraient également être propices à une démultiplication ou une diversification de l’offre musicale, ce qui présente un intérêt certain pour le public. Pour le surplus, je ne suis pas informée d’une fin programmée du disque pour 2010. Les producteurs de phonogrammes étant des opérateurs privés, je ne suis pas associée à leur réflexion ou à leurs stratégies.

Le soutien apporté par la Communauté française pour encourager la participation au Midem est principalement structurel. En collaboration avec la Sabam, l’équipe de Wallonie-Bruxelles Musique (WBM) tient un stand à la disposition des professionnels de la Communauté française. Il est utilisé comme espace de réunion entre les professionnels : éditeurs, auteurs, producteurs et opérateurs intéressés par notre création.

Je peux vous dire que ce stand est vaste et assez magnifique. Il fait l’objet d’un partenariat avec WBM, la Région bruxelloise, la Région flamande, le pouvoir fédéral et d’autres opérateurs privés. Il s’agit donc d’un stand belge. C’est un outil très vivant et très dynamique. Il m’a été donné de constater l’efficacité de ce dispositif car j’ai assisté, en l’espace de quelques heures, à la conclusion de plusieurs contrats d’édition et de distribution. Ce système permet également de limiter le coût de la participation au Midem. Il s’élève à 500 euros. Ce droit d’entrée doit être en principe payé par les maisons de production et d’édition, et non par les artistes.

Enfin, les dix-huit plates-formes de téléchargement reconnues en Belgique, dont vous aurez la liste complète dans le rapport, semblent favoriser le paiement par carte de crédit ou par crédit acheté par bon. Pour l’instant, le système de type Pay Pal est peu répandu dans ce secteur. Cette question ne me semble toutefois pas être de mon ressort.

M. Carlo Di Antonio (cdH).

Jusqu’à présent, le revenu des artistes était essentiellement composé des bénéfices obtenus par les concerts, la vente de disques et les droits d’auteurs. Ces derniers seront préservés mais le disque sera fatalement remplacé par le téléchargement légal. Il faut évidemment encourager les concerts puisque de moyen promotionnel du disque, ils sont devenus une véritable source de revenus. D’ailleurs, dans l’actuelle phase de transition, ils constituent un réel moyen de s’en sortir pour bien des groupes. Si nous voulons retrouver de nouvelles sources de revenus pour ces artistes, nous devons développer au maximum le téléchargement légal car, dans les années à venir, il deviendra le support majeur.