M. Carlo Di Antonio (cdH).

En consultant récemment quelques forums en ligne, j’ai été étonné de tout ce qu’on pouvait y trouver. Au lendemain de graves incidents au Kenya, d’un événement particulier en Israël ou en Palestine, ou encore après une annonce politique en Région wallonne, par exemple, on peut parfois y découvrir des réactions assez étonnantes, très dures, absolument pas contrôlées, avec des personnes nommément citées, des mises en cause, des propos racistes, etc. Tout cela est bel et bien repris par les plus grands médias belges.

En me renseignant, j’ai vu qu’ils étaient modérés mais a posteriori. Le message est directement publié et le modérateur intervient de temps en temps. Il est possible de signaler un abus et une correction est alors opérée. Mais les propos inconvenants restent parfois visibles durant deux jours sur les sites des plus grands quotidiens. Quelle est votre réaction ?

Le code de principes de journalisme énonce certaines règles à respecter. Il a été annexé à la convention conclue le 18 juin 2003 entre les journaux francophones belges et les journalistes. Or, dans les forums, ce code semble n’être respecté que de manière trop tardive. Comment, selon vous, pourrions-nous influencer ces pratiques ?

Mme Fadila Laanan, ministre de la Culture et de l’Audiovisuel.

J’ai également déjà constaté des dérapages sur les forums en ligne gérés par les journaux. L‘évolution des pratiques médiatiques pose sans cesse de nouvelles questions sur les limites du métier d’éditeur de presse ou de journaliste, et sur l’éthique. La culture de la presse est en mutation : les sites internet des entreprises de presse poussent à une logique de réaction presque instantanée et l’interactivité se développe au détriment du contrôle des contenus qu’elle génère.

La question des forums sur les sites de journaux est relativement récente. Je vais vous livrer mon sentiment à chaud mais je pense que cette question doit faire l’objet d’une réflexion juridique et déontologique approfondie. La situation semble assez différente d’un journal à l’autre. Le modérateur ne serait pas toujours un journaliste et, parfois, la vérification serait aléatoire. Certains titres doivent gérer l’arrivée de plusieurs centaines de messages par jour. Il faut réfléchir aux moyens à mettre en oeuvre pour qu’ils assument leur responsabilité.

Le code de principes de journalisme que vous mentionnez ne s’applique qu’aux professionnels du secteur et ne s’étend pas au grand public. S’il semble effectivement que la responsabilité éditoriale des entreprises de presse soit en jeu, la responsabilité civile ou pénale de chaque internaute ne peut être ignorée. Les principes de droit positif doivent s’appliquer : la diffamation, les propos racistes ou les atteintes à la dignité humaine sont interdits. La question est complexe et différents niveaux de responsabilité coexistent.

Mon cabinet est déjà intervenu auprès d’éditeurs à plusieurs reprises lors de cas flagrants d’incitation à la haine raciale afin d’attirer l’attention du modérateur. Il y a effectivement un délai d’attente avant la réaction du modérateur et le retrait des propos incriminés. J’espère que le futur conseil de déontologie journalistique sera bientôt effectivement installé et se penchera sur cette problématique au plus vite. En effet, les problèmes de ce genre vont certainement se multiplier vu les évolutions technologiques.

Le Conseil d’État ayant considéré que le décret dépassait le champ d’application de la Communauté française et violait la liberté de la presse, le projet est à nouveau au stade de l’écriture. Il est pourtant essentiel que nous disposions d’une structure habilitée à faire des recommandations, fussent-elles morales, étant donné la lourdeur des procédures judiciaires. Moi-même, je renonce à contredire des propos diffamatoires publiés à mon sujet sur certains forums. Mais je pense que le vie privée de chacun doit pouvoir être préservée.

Nous devrions peut-être examiner cette question lors des débats que nous allons organiser dans cette assemblée. Il serait vraiment utile qu’on ait l’opportunité de discuter avec les représentants des organes de presse, avec les personnes qui travaillent dans ces secteurs et avec des gens qui réfléchissent à la protection de la dignité humaine.

Toutes ces questions sont d’autant plus fondamentales que l’évolution actuelle très rapide est inquiétante.

M. Carlo Di Antonio (cdH).

Effectivement, dans l’état actuel du fonctionnement du système, je ne vois que la modération préalable qui puisse assurer toutes les garanties. C’est d’ailleurs ce que nous faisons sur nos blogs : nous choisissons les messages que nous laissons passer, sans quoi nous serions confrontés à des attaques personnelles et lorsque les messages seraient enlevés vingt-quatre heures plus tard, ce serait trop tard : le mal serait fait ! On devrait pouvoir appliquer les mêmes règles, même si cela rend le site moins dynamique, sauf à avoir du personnel disponible en permanence pour mettre les messages en ligne. C’est la seule solution. Certains messages sont effectivement très interpellants. En début d’année, j’ai été étonné de découvrir une série de messages concernant la situation en Afrique, provenant de grands médias.

M. le président.

J’ajoute que dans le cadre d’un débat, on pourrait peut-être prendre contact avec les organisateurs du colloque de la presse francophone qui a eu lieu à Mons il y a quelques jours et qui a porté sur cette problématique.