M. Carlo Di Antonio (cdH).

Ma question s’inspire des récentes déclarations du ministre des Finances. En Communauté française, 86 % de la part des bénéfices de la Loterie nationale sont répartis principalement entre les départements de la Culture, des Sports et de la Recherche scientifique. Le reste est alloué à l’ONE, à l’opération Télévie, etc.

Plusieurs associations, institutions et gros opérateurs culturels sont soutenus par la Loterie nationale. Des aides au départ ponctuelles se répètent chaque année et deviennent progressivement structurelles.

Récemment, le ministre fédéral des Finances, ayant la Loterie nationale dans ses attributions, a fait part de son intention de lancer un audit sur cette institution. Par la même occasion, il a annoncé sa volonté de cibler des événements en soutenant davantage des projets concrets plutôt que des acteurs en général. Le ministre des Finances a-t-il pris contact avec la Communauté française, et avec votre cabinet en particulier, madame la ministre ? Sa proposition de cibler davantage des projets concrets ne risque-t-elle pas de nuire à des structures et institutions culturelles en Communauté française étant donné l’évolution vers un financement structurel ?

Avez-vous été interpellée par le secteur ? J’imagine en effet qu’une série d’institutions ont été effrayées par l’annonce du ministre.

Mme Fadila Laanan, ministre de la Culture et de l’Audiovisuel .

J’ai pris connaissance, comme vous, monsieur Di Antonio, des déclarations du ministre des Finances à la presse sur son intention de réaliser un audit sur les flux financiers à la Loterie nationale. J’ai également noté que cette déclaration d’intention avait été suivie, moins d’une semaine plus tard, d’une demande, adressée par deux députés Écolo et Groen ! à la Cour des comptes, de réaliser un audit sur les subsides de la Loterie nationale répartis par le gouvernement fédéral.

Jusqu’à présent, le ministre des Finances qui a, depuis le 21 décembre dernier, la tutelle sur la Loterie nationale, n’a pris contact ni avec la Communauté française, ni avec sa ministre-présidente qui gère les crédits de la Loterie au gouvernement de la Communauté française, ni avec moi-même pour évoquer cette question. Une partie des bénéfices de la Loterie nationale est rétrocédée aux Communautés en application de l’article 41 de la loi spéciale du 13 juillet 2001 portant refinancement des Communautés et extension des compétences fiscales des régions. Cette loi dispose que les entités fédérées reçoivent chaque année un montant correspondant à 27,44 % du bénéfice à répartir de la Loterie nationale tel que déterminé par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

Je peux comprendre que le ministre de tutelle veuille mettre de l’ordre dans les fonds gérés par les départements fédéraux. En revanche, il ne peut être question que, sous prétexte d’un audit sur les flux financiers, on aboutisse à une refédéralisation de la matière et à une remise en cause larvée du refinancement de la Communauté française.

Pour l’année budgétaire 2007, la recette s’élève à 24,5 millions d’euros pour la Communauté française. Celle-ci elle rétrocède à la Région wallonne et à la Cocof respectivement 4,9 millions et 1,4 million d’euros. Je précise encore que le plan de répartition porte sur un montant de plus de 225 millions dont le gouvernement fédéral se réserve environ les trois quarts.

Dans son interview à la presse, le ministre de tutelle fait allusion aux difficultés financières de l’Opéra royal de Wallonie et les attribue à une dispersion des moyens « Loterie » entre une multitude d’opérateurs. Il entend apparemment s’ingérer dans les compétences de la Communauté française en la matière. J’ai déjà répondu au député Reinkin qui m’interrogeait sur le sujet que ces difficultés financières étaient dues entre autres au fait que mes prédécesseurs libéraux n’avaient pas libéré les tranches de subsides « Loterie » prévus dans le contrat-programme de l’Opéra royal de Wallonie.

C’est bien pour cette raison que le plan « Priorités culture », que j’ai fait adopter par le gouvernement, prévoit expressément de remplacer progressivement les subsides « Loterie » dans les contrats-programmes par des subventionnements structurels affectés au budget dans le long terme. C’est ce que je me suis employée à faire dans les nouveaux contrats-programmes de l’ORW et du Théâtre national. J’ai déjà exposé devant votre commission les lignes de conduite que je m’efforce de respecter pour les crédits « Loterie » Je vous les rappelle brièvement. Il y a d’abord l’exécution des subsides de la Loterie prévus dans les contrats-programmes pour un budget annuel de 1,5 million. Vient ensuite le soutien aux organismes qui connaissent des difficultés importantes en raison d’un surendettement historique ou d’un échec ponctuel qui met en danger l’ensemble du projet porté par l’opérateur. Je citerai aussi le soutien des organismes sous-financés en raison de moratoires, d’absence de moyens structurels pour leur permettre un passage dans une catégorie supérieure, ou d’absence de moyens nouveaux malgré une extension de leurs charges, liées à de nouvelles infrastructures. Il y a aussi le soutien à des opérateurs régulièrement aidés par des crédits de la Loterie et dont la suppression pure et simple mettrait gravement en danger la survie de l’organisme.

Une diminution progressive des crédits est d’ailleurs systématisée pour cette catégorie. Et enfin, j’ajouterai le soutien à des initiatives nouvelles, particulièrement dans des secteurs émergents, par exemple en théâtre de rue, en musique non classique ou en projets pluridisciplinaires.

Pour le cinéma, la méthode est la même, avec un soutien systématique aux ateliers de production et des moyens pour des festivals ou des projets de films, pour compléter des interventions du Centre du cinéma ou d’autres entités publiques. Ces règles que je m’impose démontrent que les allégations de saupoudrage sont malveillantes.

Enfin, les secteurs culturels ne m’ont pas encore interpellée concernant les annonces du ministre de tutelle sur la Loterie.

M. Carlo Di Antonio (cdH).

Je partage votre souhait, madame la ministre, de plus de clarté et de transparence. On a parfois l’impression de ne pas saisir toutes les subtilités des répartitions opérées. Pour pouvoir réorienter les fonds vers des événements existants ou à créer, sauf à augmenter la part bénéficiaire, il faudra bien trouver l’argent quelque part et donc pénaliser les opérateurs aidés actuellement. Les cinq priorités d’intervention que vous avez énumérées me conviennent parfaitement. J’espère que nous ne nous arrêterons pas en si bon chemin ! Faire de l’événementiel comme annoncé me semble assez inquiétant et c’est aussi en quelque sorte du saupoudrage. Je préférerais une aide plus structurelle et mieux cadrée.