M. Carlo Di Antonio (cdH).

Le 5 octobre dernier à Murcia en Espagne, l’« European Builder Confederation » déclarait fermement sa position concernant la lutte contre le travail non déclaré dans la construction. L'EBC regroupe 11 pays européens, dont la Belgique et plus de 500.000 artisans et PME du secteur de la construction. La Confédération se dit clairement opposée au travail non déclaré sous toutes ses formes car celui-ci entraîne une distorsion de concurrence à l’encontre des artisans et des PME du bâtiment qui exercent leur activité légalement et prive les systèmes de protection sociale d’une partie des financements nécessaires à leur viabilité.

Dans ce contexte, EBC soutient en grande partie la proposition de « Directive COM 249 final » prévoyant des sanctions à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Dans sa position concernant cette directive, la Confédération rappelle cependant qu’il ne suffit pas de conférer un devoir de police à l’employeur. Elle estime qu’il est en outre nécessaire d’agir sur la prévention et l’information des employeurs quant à leurs obligations et aux risques qu’ils encourent et, que, dans le même temps, la Commission et les États membres s’attachent à combattre les causes de l’emploi de travailleurs illégaux, qui résultent de problèmes sous-jacents bien connus notamment dans le secteur de la construction : on peut faire l’hypothèse que le recours au travail non déclaré résulte essentiellement du manque de main d’oeuvre disponible, des contraintes de la réglementation et du poids excessif des charges sociales et fiscales.

Dans sa déclaration, la Confédération pointe du doigt, et ce n’est pas nouveau, l’économie parallèle qui se développe au détriment de l’activité et des PME du bâtiment, portant ainsi un sérieux préjudice aux entreprises et à l’emploi.

Monsieur le Ministre peut-il m’informer des initiatives prises par la Belgique et plus concrètement par ses services par rapport aux demandes de la Confédération ?

M. Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Économie, de l'Emploi, du Commerce extérieur et du Patrimoine.

Les déclarations de « l'European Builders Confederation » d'octobre dernier rejoignent nos préoccupations au sujet du travail non déclaré, notamment dans le secteur de la construction, et nous ne les avons pas attendues pour mettre en place des mesures destinées à éradiquer, autant que faire se peut, ce marché parallèle.

Différents types d'actions sont effectivement nécessaires pour y parvenir, il faut d'une part combattre les causes et, d'autre part, mettre en place des dispositifs permettant de trouver les solutions adéquates.

Pour commencer, en ce qui concerne le manque de main d'oeuvre disponible : l'ouverture des frontières aux ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union ainsi que les dispositifs de résorption des pénuries sont deux réponses permettant aux employeurs de la construction de pallier au manque actuel de personnel qualifié. En 2006, la Belgique a en effet décidé de mettre en place des mesures transitoires relatives aux travailleurs issus des nouveaux États-membres de l'Union — à savoir maintenir l'obligation d'obtenir un permis de travail pour exercer une profession en Belgique — et de les assouplir sous certaines conditions, essentiellement pour des métiers dits en pénurie. L'objectif étant de permettre à terme la libre circulation des travailleurs mais en la contrôlant dans le but de garantir notamment l'application du droit du travail en Belgique, le respect des conventions collectives de travail, ou encore, le principe d'égalité de traitement.

Il est important que nous respections un principe fondateur de l'UE, à savoir garantir la libre circulation des travailleurs et leur permettre de s'établir légalement sur notre territoire et d'y exercer une profession, participant ainsi au développement économique de notre Région tout en contribuant aux systèmes fiscaux et de sécurité sociale.

Par ailleurs, quant à l'antinomie entre les immigrations économiques et la présence de main d'oeuvre indigène, il convient d'être nuancé. Il est en effet un peu court de vouloir résoudre les pénuries en Belgique par l'apport systématique de compétences venues de l'extérieur. La première démarche, à mon sens, doit être d'investir un maximum dans les outils publics ou privés permettant de qualifier, de rendre employables et d'insérer les demandeurs d'emploi belges. Ensuite, seulement, il faut pouvoir autoriser le recours à des ressources extérieures pour des fonctions ou situations particulières sous peine de freiner le développement économique ou pire de voir de l'activité quitter notre territoire.

Par ailleurs, je tiens à rappeler maintenant ce qui est prévu en matière de lutte contre les pénuries. Comme vous le savez, l'axe majeur de la politique menée a été confié, à travers l'axe 5.1 du Plan Marshall, au FOREM, lequel a développé un Plan de lutte contre les pénuries. L'approche menée par l'Office dans ce cadre, vise, d'une part, à mieux comprendre la nature des difficultés rencontrées en matière de recrutement par les entreprises et d'autre part, à agir sur ces difficultés.

C'est pourquoi, outre la diffusion, métier par métier, d'une information détaillée issue des travaux menés par un groupe constitué de conseillers tant du FOREM que du secteur concerné, les actions menées consistent également en l'augmentation de l'offre de formation — qu'il s'agisse de formations qualifiantes de longue durée destinées à un public ne disposant pas des compétences de base, ou de formations courtes destinées tant à des demandeurs d'emploi qualifiés qu'à des travailleurs — et en la mise en relation des offres d'emploi difficiles à satisfaire avec les compétences disponibles. En outre, le cas échéant, en fonction des constats effectués localement, des dispositions spécifiques sont prises au niveau sous-régional pour répondre à des besoins locaux spécifiques.

Enfin, comme vous le savez, j'ai moi-même proposé, à l'occasion du Gouvernement wallon du 26 avril dernier, une série de mesures nouvelles en matière d'emploi : Job Tonic, PFI Jeune, DIISP Jeune, délivrance d'un « passeport unique », etc. En accentuant la prise en charge et le soutien aux jeunes, dès la sortie des études, je pense avoir trouvé, là aussi, un moyen d'agir concrètement dans la lutte contre les fonctions critiques.

Enfin, je le répète, il est important de tout mettre en oeuvre chez nous, via l'enseignement et la formation, pour permettre à nos travailleurs d'être performants et donc concurrentiels sur le marché de l'emploi national. En ce qui concerne plus particulièrement le poids excessif des charges sociales et fiscales, je ne suis malheureusement pas compétent, ces matières étant fédérales.

M. Carlo Di Antonio (cdH).

Je remercie M. le Ministre pour sa réponse. Je pense que pour qu'il n'y ait plus engagement de « non déclarés », nous devrions nous diriger vers une déductibilité partielle des travaux réalisés chez les particuliers. Il faudrait alors une facture, ce qui rendrait le travail au noir plus difficile à pratiquer.