M. Carlo Di Antonio (cdH).

La croissance économique de notre Région évolue positivement depuis 2000, au même rythme que celle de la Flandre. C'est ce que constate le Service d'études économiques de la KBC, s'appuyant sur les indicateurs économiques de la Banque nationale de Belgique. C'est dans ce contexte que nous pouvons nous réjouir du fait que, du côté du chômage, nous connaissions en Wallonie une légère embellie. Ainsi, entre septembre 2006 et septembre 2007, l'ONEM a observé une baisse de 2,8 % du nombre de demandeurs d'emploi indemnisés. Toutefois, parmi les 211.640 chômeurs indemnisés dénombrés en septembre dernier, il doit y en avoir environ 100.000 qui sont hennuyers. La Province de Hainaut, avec un taux de chômage de plus de 18 %, reste le parent pauvre de l'éclaircie wallonne. Cette situation est désolante. De surcroît, cette sous-région est aussi celle où les travailleurs sont le moins mobiles. Cet état de fait est difficilement compréhensible pour une zone dont la situation géographique devrait lui permettre de contrebalancer cette tendance : tout à côté d'elle, la Flandre frise le plein emploi et connaît une pénurie croissante de main d'oeuvre.

La pénurie de travailleurs qui touche la Flandre frappe particulièrement les fonctions techniques, telles que les métiers du bâtiment. Cette région entend combler cette pénurie par un recours à l'immigration. J'entends que, même en Wallonie, la pénurie pousse les entreprises de construction à envisager cette solution. Pourtant, la main-d'oeuvre existe bel et bien en Belgique, notamment dans la Province de Hainaut. On est en plein paradoxe.

Pour pallier un certain nombre de difficultés, diverses initiatives fleurissent ici et là. Ainsi, le FOREM a coopéré avec le VDAB pour le Banenmarkt du 29 septembre dernier, entre autres à Renaix, Ypres et Wevelgem. Vous nous en parliez le 4 décembre dernier en réponse à la question de mon Collègue M. Bracaval. D'autre part, un Forum pour l'emploi transfrontalier a été organisé le 25 octobre à l'Université de Mons-Hainaut dans le cadre d'un projet de coopération transfrontalier signé par cinq institutions universitaires belges et françaises. L'objectif était de favoriser la mobilité professionnelle entre le Hainaut et Valenciennes des diplômés de ces universités, de lutter contre l'effet « frontière » et de permettre le développement d'espaces transfrontaliers liés à l'emploi.

Le 12 décembre dernier, l'UNIZO du sud de la Flandre occidentale a organisé à Courtrai, pour le districttransfrontalier Lille-Courtrai-Tournai, le « Forum de l'Emploi de l'Eurométropole », rassemblant 120 entreprises flamandes, wallonnes et françaises et plusieurs milliers de demandeurs d'emploi. Un accent particulier y a été mis sur les pénuries de main d'oeuvre.

Votre réponse du 4 décembre à M. Bracaval indiquait que le FOREM et le VDAB travaillent aussi ensemble dans le cadre d'actions de « Job Dating ». Des opérations sont ainsi programmées début 2008. Elles sont ciblées sur les secteurs de la construction, de l'automobile et des soins de santé. Enfin, le FOREM, disiez-vous, poursuit également la mise en oeuvre de plans sous-régionaux de mobilité.

Toutes ces initiatives sont intéressantes et indispensables. Il serait intéressant d'évaluer avec précision combien de demandeurs d'emploi ont pu trouver un emploi soit en Flandre soit en France, grâce à ces dispositifs. Je fais l'hypothèse que ce nombre est assez limité. Vous avez évoqué, lors de notre dernière Commission, les résultats de la participation au Banenmarkt. Avez-vous un bilan du Forum pour l'emploi transfrontalier organisé à l'UMH ? Avez-vous des échos des résultats du Forum de l'Emploi de l'Eurométropole de Courtrai ?

Manifestement, le bassin industriel du Hainaut transfrontalier connaît une implantation d'entreprises importantes avec une zone de recrutement qui dépasse largement le cadre de la frontière. Dans ce contexte, il est important d'aider les demandeurs d'emploi à oser franchir les frontières linguistiques et nationales. Et, à cet égard, je me pose et je vous pose la question de savoir : « Quel est donc le problème ? Pourquoi nos concitoyens sont-ils si peu enclins à bouger ? » A-t-on analysé ce phénomène en profondeur dans toutes ses dimensions ? Il y a, pour faire obstacle à la mobilité professionnelle, des difficultés linguistiques, psychologiques, culturelles, fiscales et, sans doute, des problèmes de transport.

Au-delà des activités de l'asbl Synerjob et des coopérations entre VDAB et FOREM, visant notamment à transmettre aux demandeurs d'emploi wallons un certain nombre d'offres d'emploi en Flandre, quelles dispositions sont prises pour permettre une plus grande mobilité de nos travailleurs vers la Flandre ou la France ? Les plans sous- régionaux de mobilité qu'établit le FOREM prennent-ils tous ces aspects en compte ? Que visent-ils au juste, dans le concret ? Il y a, pour la Flandre, la barrière de la langue ou la représentation qu'on s'en fait, puisque de nombreux Français la vainquent sans trop de problème pour venir travailler autour de Courtrai. Il y a probablement des aspects culturels. Que fait-on pour préparer un changement de mentalité ? Pour la France, la barrière de la langue n'existe pas. Y a-t-il des coopérations possibles entre FOREM et ANPE ? En existe-t-il ? Si oui, quelles formes concrètes prennent-elles ? Plus largement, quelles résolutions concrètes ont été prises par la Région wallonne et le FOREM pour faire écho à la volonté de l'Union Européenne, qui célébrait en 2006 l'année de la mobilité des travailleurs et mettait en évidence la nécessité de promouvoir la mobilité en Europe ?

Bref, ce que je souhaiterais, c'est que les cinq directions régionales du FOREM de la Province de Hainaut prennent toutes ces questions à bras-le-corps et proposent un dispositif intégrant des réponses à chacun des obstacles identifiés qui viennent contrarier la mobilité et l'accès à l'emploi des chômeurs hennuyers.

Puis-je espérer en ce sens un dispositif d'envergure pour répondre à un défi d'envergure ?

M. Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Économie, de l'Emploi, du Commerce extérieur et du Patrimoine.

J'ai eu l'occasion de vous faire part des premiers résultats du Forum de l'Emploi de l'Eurométropole en répondant à la question de M. Bracaval. Pour ce qui concerne l'évaluation des actions menées, afin de favoriser la mobilité des demandeurs d'emploi wallons vers la Flandre, je vous renvoie au bilan que j'ai dressé devant le Gouvernement wallon la semaine dernière. J'y disais notamment que les efforts consentis commencent à montrer leurs effets. Depuis le début de l'action, 95 Wallons ont été engagés par des entreprises flamandes. Ce nombre peut vous paraître limité mais, d'une part, il faut préciser qu'il constitue un chiffre minimal dans la mesure où le FOREM n'est pas systématiquement informé par le demandeur d'emploi. D'autre part, ces actions sont encore en phase de démarrage puisque les derniers conseillers en mobilité interrégionale du FOREM ont été engagés le mois dernier. A Mouscron, où les actions avaient débuté plus tôt, ce sont 45 candidats qui ont trouvé un emploi en Flandre.

Le plus important, selon moi, est d'enclencher le mouvement, de montrer aux demandeurs d'emploi wallons qu'il est possible de saisir de réelles opportunités chez nos voisins flamands. Le succès croissant des actions menées me laisse entendre que nous sommes désormais sur la bonne voie et il s'agit maintenant de tirer les enseignements de ces premières expériences.

En effet, pour atteindre l'objectif de 5.000 offres d'emploi flamandes pour mobiliser 50.000 demandeurs d'emploi wallons d'ici juin 2008, des efforts restent à faire. C'est pourquoi mon Collègue le Ministre Vandenbroucke et moi avons demandé à nos Services de l'Emploi respectifs de tout mettre en oeuvre pour que ces engagements soient rencontrés. Ainsi, début 2008, le FOREM et le VDAB proposeront un plan d'action opérationnel et très concret qui s'articulera autour des pistes suivantes :

• des offres d'emploi mieux ciblées et clairement décrites notamment concernant le niveau d'exigence linguistique et les compétences réellement attendues ;

• l'identification, par le VDAB, des profils fréquemment demandés par sous-régions en Flandre afin de pouvoir y positionner les DEI wallons en les préparant via du jobcoaching ou de la formation ;

• une sensibilisation des employeurs flamands à la possibilité d'engager des DEI wallons tout en les formant sur le poste de travail via le « taal-IBO » ou le Chèque-formation flamand ;

• l'organisation régulière de Jobdatings par secteur d'activité dans les implantations du FOREM et du VDAB ;

• un meilleur ciblage par les conseillers en mobilité interrégionale du FOREM des DEI wallons qui présentent des caractéristiques susceptibles d'être valorisées sur le marché de l'emploi flamand.

Des collaborations existent également avec l'ANPE française et des sessions d'information sont régulièrement organisées. Un guide du travail transfrontalier a par ailleurs été réalisé par les deux SPE. Toutefois, travailler en France, pour un demandeur d'emploi wallon, peut engendrer un risque de piège à l'emploi qui ne sera supprimé que lorsque la convention bilatérale France-Belgique en matière de fiscalité sera effectivement d'application.

Pour conclure, nous travaillons tous à trouver des réponses aux besoins des travailleurs et des entreprises de nos régions. Nous avons intensifié nos coopérations pour tracer des routes facilitant les flux interrégionaux et construire, avec l'ensemble de nos partenaires, un marché du travail plus ouvert, plus dynamique et surtout plus efficace. Toutefois, même si je peux partager certaines de vos réflexions quant aux facteurs sociologiques et culturels qui freinent la mobilité des travailleurs. Même si le rôle des conseillers en mobilité interrégionale du FOREM est justement de travailler sur ce facteur, vous conviendrez que tout changement de mentalité ou de perception relève de la psychologie individuelle ou collective et qu'en ce domaine, il ne suffit pas de poser des actes techniques.

M. Carlo Di Antonio (cdH).

Il est vrai que les demandeurs d'emploi qui traversent la frontière française sont souvent confrontés au problème du piège à l'emploi, étant donné la fiscalité différente entre les deux pays. Le deuxième problème se situe, quant à lui, au niveau culturel, ce qui nécessite donc un coaching particulier. Il est important d'enclencher le mouvement.