M. Carlo Di Antonio (cdH).

Depuis juin dernier, le décret IDESS et son arrêté d'application sont en vigueur. Un certain nombre de structures à finalité sociale, exerçant le plus souvent des missions proches de celles qui sont dévolues aux IDESS, s'attachent à étudier la faisabilité pour elles d'entrer dans le créneau IDESS et à préparer, le cas échéant, un dossier de demande d'agrément. Les échos qui me reviennent montrent un assez grand scepticisme, voire un réel découragement chez les acteurs, en tout cas hors CPAS ou associations de CPAS. Ils expriment le sentiment que l'accès au statut IDESS est rendu très difficile pour le pointilisme des conditions requises. Certains éléments sont mis en avant de façon récurrente.

Premièrement, pour bénéficier d'un encadrement de 4 points APE correspondant à l'engagement d'un demandeur d'emploi à mi-temps, il faut que les IDESS agréées s'engagent à embaucher deux travailleurs ETP supplémentaires dans les trois mois de la demande. Deux travailleurs à occuper d'emblée suppose que l'IDESS ait, dès le début, un carnet de commandes assez important. Il faut, pour occuper les travailleurs, 9 à 10 prestations de 4 heures par ETP chaque semaine ! Les acteurs hors CPAS disent que c'est énorme, surtout que chaque prestation ne peut dépasser 4 heures chez un même « client », qu'il faut prévoir les transports d'un client à l'autre, d'éventuels achats de matériaux. Il eût été préférable, disent les acteurs hors CPAS, de nous permettre de commencer petit, de nous permettre de construire progressivement la viabilié économique de l'IDESS.

Deuxièmement, les partenaires sociaux souhaitent que les travailleurs des IDESS bénéficient de bonnes conditions de travail et autant que possible d'un contrat à durée indéterminée. Comment concilier ces exigences avec ces prestations limitées à 4 heures, incertaines au départ ? Que fait-on si, après une prestation de deux ou trois heures chez deux « clients », on n'a pas la possibilité de compléter la journée par la visite d'un troisième client ? Va-t-on devoir mettre le membre du personnel en chômage technique ? Le rémunérer à ne rien faire ? Sans doute va-t-on, si on veut s'en sortir, devoir engager essentiellement des personnes à mi-temps et leur faire des horaires « coupés » ? Socialement, ce n'est pas l'idéal.

Troisièmement, les acteurs ont aussi fait leurs comptes. La rémunération prévue pour chaque heure de travail leur paraît trop faible, même avec les subventions complémentaires, pour équilibrer le budget. De plus, disent-ils, peut-on vraiment croire que les personnes précarisées vont recourir aux services des IDESS pour faire des petits travaux chez elles alors qu'elles ne bénéficient que d'un petit chômage ou du RIS. On ne peut guère compter sur leur « clientèle » pour augmenter le chiffre d'affaire à un niveau qui permette l'équilibre budgétaire.

Dernièrement, certains disent aussi que le décret et son arrêté n'ont pas résolu toutes les questions qui se posent : ainsi, les prestations des IDESS sont-elles ou non soumises à TVA ? Si non, à quelles conditions ?

Bref, le sentiment est partagé par un certain nombre que les IDESS, c'est une belle idée, mais qui a subi tellement de pressions, que sa mise en œuvre sera extrêmement difficile en dehors des CPAS ou de très grosses structures, si bien que le projet ambitieux serait réduit à peau de chagrin. Je voudrais vous demander si vous avez recueilli des échos semblables, si vous avez des informations sur la façon dont les choses se mettent en place, sur le nombre de demandes d'agrément déjà rentrées et sur la nature des structures qui demandent leur agrément.

M. Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Économie, de l'Emploi, du Commerce extérieur et du Patrimoine.

Le dispositif IDESS est le fruit de plus de deux ans de négociations avec l'ensemble des acteurs de terrain concernés. La démarche n'était pas évidente car il a fallu s'assurer que cette nouvelle mesure allait pouvoir s'insérer dans l'environnement économique en y apportant une réelle plus-value en termes d'emploi. Comme toute négociation, nous avons dû mettre en place un modèle qui peut apparaître complexe. Il est vrai que toute nouveauté amène des questionnements et peut même susciter des craintes. Ainsi, la lecture de certains opérateurs de terrain s'écarte de ce qui est effectivement prévu dans le texte. C'est pourquoi, nous avons voulu faire un effort de communication en disposant, notamment sur le site de la Région wallonne, un échange de questions-réponses. Ce vade mecum issu des questions qui nous sont parvenues, ne prétend pas répondre à toutes les questions qui peuvent se poser, car il y a toujours un élément et des surprises.

Nous avons cependant pris nos précautions, en instituant notamment une commission d'agrément chargée d'apprécier les différents projets et de constituer une jurisprudence qui clarifiera peu à peu le champ d'application de cette mesure. À l'opposé, avant ce dispositif, certains CPAS faisaient un certain nombre de choses en toute liberté. Je n'y reviendrai pas.

Quels sont les grands principes qui ont prévalu pour l'élaboration d'IDESS ? Le premier est celui de solvabiliser les petits travaux. La difficulté a consisté en la définition de ces petits travaux. L'objectif était de pouvoir dire qu'on ne concurrençait pas le secteur. L'option qui a été adoptée considère les petits travaux comme ceux pouvant être effectués par des personnes peu qualifiées et dans un laps de temps réduit. Il faut noter que les dispositions sociales et fiscales sont en vigueur, comme par exemple l'assujettissement à la TVA.

Dans le cadre des règles édictées, les structures sont autonomes dans leur choix et dans la manière dont elles gèrent leur marché et leur clientèle. Il convient de remettre les éléments dans leur contexte pour visibiliser la manière dont les IDESS vont se développer. Cette mesure a tout d'abord été prise pour pouvoir compléter l'offre de services aux particuliers, proposée par des entreprises d'insertion active et pour pérenniser les projets existants développés par des CPAS notamment en leur permettant de se développer.

La plupart de ces structures ont donc soit une activité existante, soit un potentiel de clientèle important. Ce volume doit permettre aux structures de pouvoir développer rapidement une activité suffisante à la création d'emplois supplémentaires et rien n'empêche une structure candidate de « démarrer petit » et de solliciter une extension par la suite.

Comme il est difficile de clarifier les points techniques que vous soulevez, je vous oriente vers mon Cabinet et vers l'administration compétente, pour répondre à vos interrogations. À ce jour, une dizaine de projets ont été introduits. Ils seront soumis à la commission d'agrément le 22 octobre prochain. Les premiers agréments pourront donc être délivrés. Enfin, il convient de se montrer particulièrement attentifs à la mise en œuvre de ce dispositif, car pour savoir si une mesure est adaptée ou pas, il faut voir comment elle fonctionne. Pour cela, il faut que des projets se lancent. J'ai pris l'engagement de réaliser une évaluation après 18 mois.

Concernant le volet transport social, des contacts ont eu lieu avec mon Collègue en charge du transport, afin de coordonner nos initiatives respectives. Les principes qui ont prévalu sont clairs. D'une part, la législation IDESS fixe les conditions à remplir pour pouvoir bénéficier des subventions à l'emploi et d'autre part, il revient au Ministre des transports de fixer les règles dans le cadre de ses compétences. Une structure proposant des activités de transport devra respecter les conditions fixées dans le décret relatif aux services de taxis et aux services de location de voiture avec chauffeur et respecter les conditions propres à la législation IDESS, si celle-ci souhaite bénéficier des aides à l'emploi. La coordination avec mon Collègue, le Ministre Antoine, est parfaite.

M. Carlo Di Antonio (cdH).

Je remercie M. le Ministre pour sa réponse. Je comprends tout à fait que ce dispositif est le fruit de négociations difficiles. Aujourd'hui, je me faisais le relais des questions provenant notamment d'une ALE. Vous avez fourni les éléments de réponse que j'attendais, en m'informant de l'existence de ce vade mecum. Je pense que procéder à une évaluation dans 18 mois est une bonne idée.