M. Carlo Di Antonio (cdH). – Mme la Ministre, le prix des matières premières agricoles connaît un niveau record qui est notamment dû aux conditions météorologiques, aux politiques commerciales et au déséquilibre entre l'offre et la demande. Cette évolution, outre qu'elle nous affecte, aura certainement de tristes répercussions en termes de sécurité alimentaire pour les pays en voie de développement.

Selon différents observateurs, cette hausse des prix pourrait rapidement causer de nouvelles famines dans le monde. Ainsi, selon le dernier rapport de la FAO, l'avis de différentes organisations non gouvernementales mais également un rapport de l'OCDE, l'essor des biocarburants serait une des principales causes de cette hausse des prix, dans la mesure où un nombre croissant de terres agricoles sont aujourd'hui exploitées à des fins de production énergétique, souvent considérée comme étant plus rentable, eu égard au prix du pétrole et aux aides dont bénéficie la production de biocarburants. En d'autres termes, la production agricole se consacre davantage aux biocarburants qu'à l'alimentation, ce qui se traduit par une offre moindre, confrontée à une demande croissante, ce qui entraîne une augmentation des prix.

Cette nouvelle hausse de prix des denrées alimentaires pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les écosystèmes de plusieurs pays du Sud qui risquent de se transformer en monocultures de biocarburants au détriment d'autres productions et de la sauvegarde des milieux naturels. C'est d'ailleurs déjà le cas aujourd'hui dans une partie du Brésil. La poursuite de la dégradation des termes de l'échange pour les pays très endettés ajoute à cette problématique. Ainsi, cette combinaison de facteurs aura des conséquences tragiques pour la santé des populations du Sud. Disposez-vous d'informations complémentaires à ce sujet ? Comment la Région se positionne-t-elle par rapport aux problèmes que je viens d'évoquer ? Je sais que ce n'est pas facile. Par ailleurs, quelles actions de solidarité la Région pourrait-elle envisager en faveur des pays concernés par le problème que nous évoquons et ce, tant d'un point de vue conjoncturel que pour apporter des solutions à long terme ?

Mme Marie-Dominique Simonet, Ministre de la Recherche, des Technologies nouvelles et des Relations extérieures. – Je vous confirme que nous sommes confrontés à une problématique complexe et à des difficultés qui augmentent en matière de production de CO2 et provoque des modifications climatiques violentes. On essaie de trouver des solutions nouvelles susceptibles d'apporter des aspects positifs, mais il appert que ces mêmes solutions peuvent avoir des côtés défavorables. Il y a donc urgence, puisque nous devons modifier nos façons de consommer les combustibles solides et liquides à base de carbonne et trouver d'autres équilibres en la matière dans l'intérêt de toute la planète.

Je vous confirme que la FAO et l'OCDE ont publié un rapport sur les perspectives agricoles 2007-2016, selon lequel les prix mondiaux de nombreux produits agricoles de base connaissent actuellement un niveau élevé qui est notamment dû à des facteurs ponctuels comme une insuffisance de l'offre due à la sécheresse, ou encore la diminution des stocks. Le même travail énonce des changements structurels en matière d'augmentation de la demande de matières premières pour la production de biocarburants.

Le Professeur Chalmin a publié à son tour une étude selon laquelle une cause additionnelle explique la hausse récente de matières premières comme le blé, l'huile de colza ou le soja. Il s'agit de la croissance économique et de l'élévation du niveau de vie de pays comme l'Inde ou la Chine, ce qui est évidemment souhaitable et qui, par ailleurs, entraîne une modification de leurs habitudes alimentaires.

Ainsi, ces pays connaissant une consommation de viande en hausse, voient leur production intérieure de protéines végétales partiellement détournée vers l'alimentation animale. Vous m'interrogez sur la position de la Région en matière de production de biocarburants. J'attire votre attention sur ce que cela relève des compétences de mon Collègue en charge de l'énergie, lequel soutient d'ailleurs différentes initiatives en la matière. C'est notamment le cas de la production de biocarburants via Biowanze, avec une utilisation et un remplacement, pour nos agriculteurs, de matières comme la betterave.

Nous souhaitons également voir nos producteurs s'approvisionner avec des matières premières locales. Par ailleurs, nous travaillons, toujours dans ce domaine, avec des pays comme la République Démocratique du Congo, via le cofinancement d'un centre d'expertise universitaire chargé d'étudier notamment des projets pour la sécurité alimentaire de ce pays.

M. Carlo Di Antonio (cdH). – Je me suis effectivement déjà longuement entretenu de cette problématique avec M. Lutgen. La piste que vous évoquez est la bonne solution, dans la mesure où il ne fait pas sens de faire transiter par différents pays des biocarburants qui seraient consommés chez nous. Cette matière première devrait donc être produite et consommée ici. Cela permettrait également de lutter contre le problème que vous avez évoqué de pays qui consacrent à la profession de biocarburants des terres dont ils ont besoin par ailleurs. Il faut donc avoir des contraintes plus fortes en faveur de la production et d'utilisation des biocarburants au niveau local.