M. Carlo Di Antonio (cdH). – Je souhaite vous interroger de manière assez large sur l’état actuel des relations entre la Région wallonne et la République de Biélorussie. Pouvez-vous m’indiquer quelle est la nature de ces relations ? Celles-ci ont-elles connu des évolutions au cours des années et depuis l’indépendance de cette ancienne république soviétique ? Quels liens entretenons-nous précisément avec cet État et ce régime ? Avons-nous des projets ou des accords en commun ? Avez-vous déjà eu des contacts avec des représentants officiels biélorusses ? Si non, comptons-nous en avoir ? Comment la Région wallonne s’inscrit-elle dans l’action de l’Union européenne et de la Communauté internationale vis-à-vis de la Biélorussie ?

La Biélorussie n'est pas un État comme un autre. Pour bon nombre d'observateurs, il s'agit avant tout de la dernière dictature d'Europe. Il s'agit d'un État figé dans une époque et des pratiques soviétiques.

Le Président Alexandre Loukachenko gouverne d'une main de fer avec le KGB. Il est impossible de s'y exprimer librement et, selon le classement de l'Association Reporters sans Frontières, cette République est la 151ème sur 158 en matière de respect de la liberté de la presse. Les résultats des élections présidentielles de 2006 n'ont pas été reconnus par la Communauté internationale car la campagne a été marquée par des arrestations arbitraires, la disparition des opposants du régime en place et des violences contre les manifestants pro-démocratie.

Le Conseil et la Commission ont rapidement réagi face à cette situation et ont pris plusieurs sanctions, en interdisant notamment le visa d'entrée, dans l'Union européenne, des hauts dirigeants de cette République. Ils ont aussi gelé les comptes à l'étranger de ces responsables. J'espère que la Région wallonne respecte bien toutes ces mesures européennes à l'encontre des dirigeants biélorusses et que nous condamnons ce régime violent. Même si je n'en doute pas, pouvez-vous me rassurer sur ce point ?

Mme Marie-Dominique Simonet, Ministre de la Recherche, des Technologies nouvelles et des Relations extérieures. – Le Bélarus est la dernière dictature d'Europe et la dernière dictature communiste avec la Corée du Nord. Les Droits de l'Homme et les Libertés politiques ne cessent de se dégrader. On remarquera plus particulièrement le harcèlement dont font l'objet les partis politiques, les médias et les ONG. La Commissaire européenne, Mme Ferrero-Waldner, a d'ailleurs fermement condamné, le 24 août dernier, l'arrestation et la détention de plusieurs membres de l'opposition bélarusse. Elle a de nouveau demandé aux autorités bélarusses de libérer les détenus politiques et de respecter les droits inaliénables de réunion et d'expression du peuple bélarusse.

Le Gouvernement de la Région wallonne s'aligne naturellement sur la politique définie par le Conseil de l'Union européenne en la matière. Parmi d'autres mesures, celui-ci a décidé que les contacts au niveau ministériel étaient suspendus. Les contacts entre fonctionnaires sont acceptés. Par ailleurs et indépendamment de ces mesures, ce pays ne figure pas dans nos priorités. Aucune action n'est entreprise en sa direction. La position de la Communauté internationale s'est adaptée au fur et à mesure de l'évolution de la situation au Bélarus. Celle-ci s'articule de la façon suivante :

• Une première période favorable : dans un contexte de velléité démocratique se situant entre 1991 et 1996, une coopération est engagée entre l'Union européenne et le Bélarus. Ce pays reçoit 76 millions d'euros, dont 54 millions via le programme TACIS, destinés à développer des entreprises du secteur privé dans les domaines de la production alimentaire, de la distribution, de l'énergie et des transports. Une aide pour la sécurité nucléaire a également été accordée ;

• Au-delà de ses relations avec l'Union européenne, le Bélarus coopère avec de nombreuses organisations internationales. Il adhère à l'OSCE en février 1992. En septembre 1992, il obtient le statut d'invité spécial au sein du Conseil de l'Europe ;

• Un accord de partenariat et de coopération individuel est signé le 6 mai 1995 entre l'Union européenne et le Bélarus. Ses objectifs étaient d'établir un dialogue politique régulier, de définir et d'améliorer les relations économiques et commerciales et, enfin, d'intensifier la coopération culturelle ;

• Le tournant se fait en 1996, lorsque le Président Loukachenko décide de « consolider » son pouvoir et de prolonger son mandat jusqu'en 2001. L'Union européenne durcit alors sa position : l'Accord de partenariat de 1995 et les contacts bilatéraux au niveau ministériel sont suspendus, le Programme TACIS gelé, à l'exception de l'humanitaire, des programmes régionaux et ceux qui favorisent directement le processus de démocratisation ;

• Depuis le dernier élargissement, intervenu en 2004, l'Union européenne est d'autant plus attentive que le Bélarus est devenu, pour elle, un voisin. Malgré cette nouvelle donne et la mise en place, dès 2002, de la « politique de voisinage » destinée à développer un espace de prospérité et de stabilité aux frontières de l'Union élargie, l'Union européenne ne change pas de stratégie et maintient son fragile équilibre entre restrictions et actions ciblées ;

• Suite aux irrégularités constatées aux élections de 2006 et condamnées, tant par l'Union européenne que par l'OSCE, de nouvelles mesures restrictives ont été adoptées, dont l'interdiction de séjour au sein de l'Union de 31 personnes parmi lesquels le Président Loukachenko, ainsi que le gel de leurs avoirs. En conclusion, et vous l'aurez compris Monsieur le Député, si l'Union est particulièrement attentive à l'évolution de ses relations avec le Bélarus, la nature de son régime actuel reste un obstacle et un problème majeur.

M. Carlo Di Antonio (cdH). – Je remercie Mme la Ministre pour sa réponse. Je suis particulièrement attentif à cette situation, notamment parce que j'ai la chance d'accueillir deux fois par an un enfant biélorusse chez moi, ce qui me donne également l'occasion de m'entretenir avec ses parents et d'en savoir un peu plus sur ce régime.

Votre réponse est claire et complète. Elle me rassure pleinement. Je pense que la position de la Région wallonne est légitime et conforme aux mesures décidées au niveau européen. Tout cela ne fait que renforcer mon étonnement face à la réunion officielle et l'accueil chaleureux prodigué avant l'été par le Président de notre Parlement, José Happart, à l'égard de l'Ambassadeur de Biélorussie. Certes, celui-ci venait dans notre enceinte à l'occasion du vernissage d'une exposition de peintres biélorusses. Fallait-il pour autant que M. Happart le fasse applaudir par toute notre Assemblée ? Qu'il organise un cocktail en son honneur et affirme que tout cela témoignait des relations entre la Wallonie et la Biélorussie et souligne la dimension particulière de cette dernière ? Le compte-rendu de ce vernissage figure d'ailleurs sur le site web du Parlement Wallon.

Après vos propres explications, que doit-on penser de tout cela ? Ces agissements n'entrent-ils pas en pleine contradiction avec la politique extérieure officielle du Gouvernement wallon que vous venez de nous rappeler ? Partagez-vous mon étonnement et mon malaise ? Il est vrai que l'Ambassadeur n'est pas concerné par les sanctions décidées par l'Union européenne et il n'y a, ici, formellement rien d'illégal à l'inviter et à le recevoir.

En effet, contrairement à l'homologue de M. Happart, l'Ambassadeur, lui, n'est pas interdit de séjour. Néanmoins, symboliquement, l'excellent accueil réservé à l'Ambassadeur d'un tel régime au sein-même de notre Assemblée parlementaire n'est-il pas quelque peu scandaleux ? Veut-on dire par là qu'on cautionne les agissements et dérives des autorités biélorusses ? L'une ou l'autre partie de chasse justifie-t-elle qu'en retour, le Parlement tout entier doive accueillir le représentant officiel d'une dictature et lui témoigner autant de sympathie ? À mon avis, M. Happart, qui a lui-même été longtemps Parlementaire européen, et qui, en juin dernier, organisait un voyage d'éducation citoyenne auprès des institutions européennes à Strasbourg, aurait mieux fait de s'inspirer de l'action du Parlement européen. En effet, ce dernier, au lieu de recevoir en son sein un représentant officiel du Président biélorusse, a plutôt préféré remettre en 2006 son prix le plus prestigieux, le Prix Sakharov, à l'opposant principal de ce même Président, M. Alexandre Milinkiewicz, chef de l'opposition biélorusse et, à ce titre, régulièrement emprisonné par la police politique de ce « si sympathique » régime.

Mme Marie-Dominique Simonet, Ministre de la Recherche, des Technologies nouvelles et des Relations extérieures. – Je tenais simplement à préciser que ni moi, ni mon Cabinet, n'avons été sollicités par le Président du Parlement Wallon quant à l'intérêt ou l'opportunité d'inviter l'Ambassadeur. Si cela avait été le cas, je n'aurais pas manqué de lui faire le même genre de réponse que celle que je viens de vous donner aujourd'hui.

M. Carlo Di Antonio (cdH). – M. le Président Happart nous a bien rappelé hier matin que le Parlement et le Gouvernement sont bien deux choses différentes.