Intervention du Député Carlo DI ANTONIO dans le cadre du débat relatif au projet de décret fiscal et au projet de décret
modifiant le décret du 27 juin 1996.
Séance publique du mercredi 21 mars 2007
D’emblée je voudrais remercier les deux co-rapporteurs, Françoise FASSIAUX et Jacques GENNEN, pour leur excellent compte rendu de nos travaux qui témoigne du travail efficace qui a pu être mené en commission.
Ces deux textes qui sont soumis à notre assemblée sont extrêmement importants pour toute une série de raisons que je vais développer ci-après :
Tout d’abord, c’est une réforme attendue depuis longtemps disait Monsieur BORSUS, non pas deux ou trois ans, mais bien davantage. Car sous la législature précédente, on a perdu beaucoup de temps et après d’interminables études le Ministre FORET n’a pu concrétiser cette réforme sous forme décrétale.
Ces deux textes s’inscrivent clairement dans la DPR qui a prévu la réévaluation du plan d’équipement compte tenu des filières et technologies à promouvoir et du ratio coût/efficacité tant écologique qu’économique.
Le financement et la mise en œuvre du plan des équipements seront revus en conséquence et progressivement pris en charge par la mise en place du coût – vérité (à partir 2008).
Le Gouvernement appliquera une politique d’investissement qui devra être conforme aux volontés d’intensifier les collectes sélectives, de favoriser les filières innovantes et de limiter la mise en CET.
Enfin, il s’agira de renforcer via les mécanismes financiers et fiscaux la hiérarchisation des modes de traitement en fonction de leur impact sur notre environnement. »
La réforme qui nous est proposée ici se décompose en deux projets de décret que j’aborderai en deux temps.

Dans un premier temps, le projet de décret fiscal.
Le projet de décret fiscal modifie complètement le décret de juillet 1991 et organise la taxation des déchets de façon à encourager la prévention et à mettre en œuvre la hiérarchie des différents modes de traitement des déchets, à savoir : le recyclage, la valorisation de matière, la récupération d’énergie et enfin la mise en décharge. Il est également prévu un certain nombre de taux réduit pour certaines opérations et certains types de déchets.

L’objectif à terme est d’arriver progressivement à ne plus recourir à ce mode d’élimination des déchets que de manière ultime dans le respect des interdictions progressives de mise en CET édictées par les directives européennes.

Par ailleurs, il convenait de mettre fin aux fraudes entre déchets ménagers et non ménagers dans la mise en CET .

Enfin, la détermination des taux s’efforce de tenir compte des tarifs pratiqués dans les Régions voisines, et en particulier la Flandre, de façon à éviter les distorsions de concurrence entre opérateurs mais aussi de façon à éviter que la Wallonie ne soit perçue par d’aucuns comme très attractive pour l’élimination à bas prix de leurs déchets.

Cela étant, la problématique de la non déduction des taxes environnementales n’ayant toujours pas trouvé de solution à ce jour, un amendement introduisant un coefficient réducteur de 0.7 des taxes ajustées est introduit pour les années 2008 et 2009. Une exception est prévue en ce qui concerne les taxes de mise en CET pour éviter qu’on aboutisse avec ce coefficient à un taux de mise en CET inférieur à celui pratiqué actuellement.

Dans un deuxième temps, le projet de décret modifiant le décret du 27 juin 1996

D’emblée, je voudrais souligner une série d’éléments extrêmement positifs au travers de ce projet de décret, comme :

  • La clarification des responsabilités dans la gestion des déchets industriels par la mise en place de partenariats public-privé ; il est important d’amener ces deux acteurs à travailler ensemble et nous l’un contre l’autre.
  • La mise en place d’infrastructures de gestion, à la suite des options prises en par le Gouvernement wallon le 30 mars 2006, qui vont assurer l’adéquation entre les capacités disponibles et les quantités de déchets générés et à traiter ;
  • L’application du coût-vérité de la gestion des déchets ménagers dont les répercussions seront étalées sur la période 2008-2013 afin de permettre des modifications de comportement. Il convient progressivement de faire cesser les disparités entre communes pour un même service rendu et d’imposer davantage de transparence, en établissant en priorité une structure de coût équivalente pour toutes les communes.
  • La reconnaissance des initiatives du secteur de l’économie sociale dans le domaine de la collecte et de la réutilisation de certaines catégories de déchets comme le textile, les équipements électroniques… Par ailleurs, le décret prévoit aussi la possibilité d’instaurer un mécanisme d’agrément et de financement des asbl et des sociétés à finalité sociale active dans le secteur de la réutilisation qui devrait leur ouvrir l’accès à un taux de TVA réduit à 6%. Ce secteur compte actuellement près de 1500 équivalents temps plein et il est encore appelé à croître au regard des nouvelles missions qu’il est appelé à remplir.
  • et enfin, la prévention qui constitue l’axe prioritaire de la politique régionale des déchets et sur laquelle je souhaite axer plus spécifiquement mon intervention.

Comme l’indique l’article 5 quater nouvellement introduit, la gestion des déchets est effectuée prioritairement par la prévention, à défaut par la voie de la valorisation et à défaut par la voie de l’élimination.

Cette dimension préventive est largement relayée dans le décret-cadre et comporte une série d’obligations pour les divers acteurs concernés pour arriver à la fois à une diminution de la quantité des déchets mais aussi de leur dangerosité.

En l’espèce, le décret-cadre prévoit une série de dispositifs qui complètent le décret du 27 juin 1996. J’en évoquerai deux, en particulier, qui ont davantage retenu notre attention.

Tout d’abord, la limitation de la production de déchets de papier.
Les imprimés publicitaires et ce qu’on appelle communément les petits journaux représentent chaque semaine un encombrement important des boîtes aux lettres des ménages wallons. Sans vouloir remettre en cause l’utilité ou la pertinence des infos contenues dans ces imprimés, cela conduit à l’utilisation de quantités énormes de papier qui assez rapidement finissent à la poubelle. Ce gaspillage doit pouvoir être évité.
Les statistiques du Crioc sont édifiantes à ce sujet : chaque semaine, chaque ménage belge reçoit dans sa boîte entre 543 et 929 grammes de publicités non sollicitées, soit un poids annuel moyen de 39kg. Au volume global de ces publicités estimé à 3316 tonnes de déchets, il faut encore ajouter une moyenne annuelle de 9kg de publicités adressées soit 768 tonnes pour l'ensemble du pays sans compter les pubs sous film plastique.

C’est dans un souci de prévention d’un tel gaspillage qu’est introduite à l’article 6 du décret une habilitation au Gouvernement pour prendre des mesures visant à réduire la production de déchets de papier provenant de publications gratuites. Une des façons de lutter contre cette pollution réside dans la distribution d’autocollants permettant aux habitants de refuser la distribution des ces imprimés. Le non respect de ce message sera assimilé à un abandon de déchets et pourra être sanctionné par des amendes administratives ou pénales. Ce qui est un signal extrêmement fort.

Vous avez, Monsieur le Ministre évoqué précédemment 3 types d’autocollants qui devraient être prochainement proposés :

  • refus de recevoir des imprimés publicitaires et de la presse gratuite ;
  • refus de recevoir des imprimés publicitaires ;
  • refus de recevoir de la presse gratuite.

Ce système d'autocollants a, semble-t-il, déjà fait ses preuves en Flandre et à Bruxelles. Par ailleurs, le Crioc constate que le volume de ces différentes catégories de déchets est non seulement supérieur en Wallonie mais aussi croissant. Il faut donc rapidement prendre des mesures pour enrayer cette évolution. Pouvez-vous, Monsieur le Ministre, nous indiquer quand sera finalisée cette campagne de prévention en matière de déchets de papier ?

Enfin, last but not least, j’en viens à l’interdiction des sacs de caisse à usage unique, qui au cours de ces derniers jours a connu une nouvelle actualité dans le cadre du conclave budgétaire fédéral.

Voici près de deux ans maintenant, j’ai déposé une proposition de résolution visant à interdire la distribution des sacs d’emballage en plastiques jetables.

Cette dernière s’inscrivait dans la DPR qui rappelle que « notre éco-système ne peut plus soutenir une production du « jetable » sans cesse croissante. Il est nécessaire d’acheter mieux pour jeter moins.»

J’ai été interpellé par les résultats d’une enquête menée fin 2004 par le CRIOC auprès des consommateurs des trois Régions sur la manière dont ils emballent leurs courses. Cette enquête a mis en évidence une certaine évolution dans le comportement des consommateurs qui progressivement modifient leurs comportements en fonction des alternatives mises à disposition par les magasins (sacs réutilisables, bacs en plastiques, cabas en tissu…)

Certes, en 2004, l’utilisation des sacs jetables a connu une diminution spectaculaire (-36%) toutes enseignes confondues.

Malgré les efforts fournis, les sacs en plastiques jetables distribués dans les grands magasins pour l’emballage des courses continuent à créer un gaspillage énorme et un réel problème environnemental car une fois abandonnés dans la nature, ils mettent des centaines d’années avant de pouvoir être éliminés.

D’autres parlementaires m’ont rejoint dans cette démarche en déposant une proposition de résolution visant à tendre vers une disparition des pratiques de consommation des sacs en plastique jetable, à la suite de quoi, notre commission a procédé à l’audition des acteurs du secteur (càd notamment la distribution, les consommateurs, les fabricants de plastique mais aussi d’emballages alternatifs). Vous trouverez d’ailleurs le compte rendu de ces auditions en annexe au présent rapport.

A la suite de ces auditions, il nous a semblé utile de concrétiser une modification décrétale dans un objectif de prévention de l’apparition des déchets.

En effet, si des progrès importants sont enregistrés par la Fédération des Entreprises de distribution depuis 2001 dans le cadre de la mise en place de mesures de réduction des sacs de caisse à usage unique, les études du CRIOC montrent qu’un consommateur sur deux utilise encore le jetable.

Il semble donc comme le relève le CRIOC que des « mesures coercitives » doivent être développées pour toucher l’autre frange de consommateurs non encore sensibilisés.

Comme l’indique l’article 1er du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets, le premier objectif doit être de prévenir la production de déchets ou leur nocivité.

Aussi, la majorité a-t-elle déposé un amendement qui tend à compléter l’article 6 du décret du 27 juin 1996 en habilitant le Gouvernement à interdire à partir de l’année 2010 la distribution et l’utilisation de sacs jetables dans les établissements classés qu’il désigne.

La plupart des commerces sont des établissements au sens du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement. C’est dans le cadre de leur exploitation que les sacs de caisse sont mis à disposition des clients. C’est dès lors par ce biais que le Gouvernement est habilité à agir en vue d’interdire la distribution de sacs de caisse à usage unique à partir de 2010.

Il revient donc au Gouvernement de déterminer les installations et activités classées concernées par l’interdiction et de définir les sacs de caisse à usage unique.

Ainsi, il pourra établir des distinctions éventuelles qui seraient justifiées par la nature ou la taille des établissements ou le type de produits à emballer.
Sur cette base, le Gouvernement pourra dès lors arrêter une norme invitant les magasins à ne plus utiliser d’emballages jetables, ou à privilégier l’usage de sacs réutilisables ou biodégradables dans un objectif de protection de l’environnement.

L’échéance 2010 doit permettre tant aux consommateurs qu’au secteur de s’organiser et de se préparer au changement. L’échéance pourrait cependant être différente selon le type d’établissements.

Tel est donc l’amendement qui a été introduit dans le projet de décret et voté majorité contre opposition.
Ceci constitue à nos yeux une base extrêmement intéressante pour mener à bien les objectifs de prévention et permettre de conforter des comportements durables des consommateurs.

Par ailleurs, cela constituera un encouragement supplémentaire au développement de technologies propres qui petit à petit émergent en Région wallonne, je pense par exemple à l’élaboration de sacs biodégradables…

Depuis lors, le contexte a quelque peu évolué...
Le Gouvernement fédéral a dans le cadre de son conclave budgétaire revu sa copie d’octobre 2006, les taxes sur les emballages n’ayant pas été concrétisées.
Il est vrai que le Ministre des Finances a montré fort peu d’application à les mettre en œuvre au motif sans doute qu’elle relevait d’une rage taxatoire à laquelle il refuse d’adhérer…

Aujourd’hui le Gouvernement fédéral a choisi de taxer les déchets « pique-nique ». Parmi ceux-ci, il envisage dès juillet 2007 de taxer les sacs en plastique jetables de 3 euros par kilo, soit 1 à 3 centimes selon le poids de l’emballage, soit trois fois le prix du sac aujourd’hui. Je serais tenté de dire que ce sera 3 fois rien…

Quel sera l’impact d’une telle mesure ? Nul à tout point de vue sauf peut-être pour l’Etat qui espère de la sorte renflouer ses caisses de 67 millions d’euros en taxant aveuglément sans faire de distinction réelle entre les situations. Par exemple le sac de sortie de caisse pour lequel il existe plusieurs alternatives et le sac qui devrait être utilisé à des fins sanitaires ou de sécurité alimentaire.

Pour les distributeurs, cela ne les empêchera pas de répercuter la taxe sur le consommateur qui n’y verra pas grande différence. Par ailleurs la taxe au poids risque de conduire à une augmentation du nombre de sacs toujours plus légers mais toujours aussi difficile à éliminer.

Pour le consommateur, cela ne changera rien ou presque. L’objectif est budgétaire et non incitatif. Le message à son égard risque d’être brouillé pourquoi maintenir encore des sacs nocifs pour l’environnement et pourquoi ne pas utiliser les normes de produits pour proscrire les comportements non durables ?

Nous restons persuadés que les consommateurs sont prêts à modifier leurs comportements pour s’adapter à une consommation plus durable, pour autant que l’objectif soit clairement défini et que des messages en sens divers ne lui soient pas envoyés.

Or la lutte contre le réchauffement climatique est avant tout une question de «signaux », d’exemples… et force est de constater que ceux envoyés par le gouvernement fédéral sont, au minimum, contradictoires…

C’est une nouvelle occasion manquée d’inscrire son action dans le développement durable.

Gageons que le gouvernement régional dans la mise en œuvre de la réforme des décrets déchets y parviendra.

Enfin, je voudrais dire un mot au sujet des propositions de décret qui ont été jointes au débat qui nous occupe et au sort qui leur a été réservé.

Un amendement a été introduit et voté à l’unanimité de façon à modifier la composition de la Commission régionale des déchets afin de prévoir des représentants du secteur des déchets hospitaliers ; il est prévu de désigner un représentant du secteur public et un représentant du secteur privé.

Le souci de promouvoir l’utilisation des encres végétales a pu être rencontré au travers des récentes décisions prises par le Gouvernement le 15 mars dernier.

Il en va de même en ce qui concerne l’usage des huiles végétales pour le décoffrage de béton ou pour les tronçonneuses en forêt dont la promotion devrait être assurée au travers des clauses environnementales des cahiers de charge.

Enfin, en ce qui concerne la problématique de l’amiante, la proposition de décret reste pendante dans l’attente d’une modification de l’arrêté par le Gouvernement. Nous plaidons pour des mesures soient prises à l’égard des particuliers afin de faciliter le dépôt de plaques d’amiante dans les parcs à conteneur. Il semble que les sacs étanches prévus actuellement à cet effet ne soient pas toujours accessibles à tous et conduisent trop souvent à des dépôts sauvages ou à des manipulations dangereuses.