Question orale du Député Carlo DI ANTONIO au Ministre de l’Environnement Benoît LUTGEN au sujet de la protection à accorder au réseau Natura 2000 et en particulier aux chênées de substitution.

Faisant suite à ma question d’actualité relative au Bois d’Angre, je souhaite revenir sur un problème soulevé à cette occasion à savoir la protection à accorder aux chênées de substitution. Ces chênées composent la majorité du bois d’Angre. Mais comme je le relevais déjà voici 15 jours, le problème risque de se poser ailleurs puisque 20 % du réseau natura 2000 est composé de ces « chênées de substitution ».

Dans l’attente des arrêtés de désignation à prendre pour chaque site, le régime de protection temporaire impose d’introduire une demande de permis d’urbanisme avant de défricher ou de modifier la végétation afin d’éviter les abattages massifs.

Or la Région wallonne et plus spécialement la DNF a très récemment décidé de ne pas inclure ces chênées dans les habitats naturels d’intérêt communautaire, pourquoi nos voisins flamands et français ont-ils décidé de le faire ? Vous avez, Monsieur le Ministre, décidé d’interroger les autorités européennes sur l’interprétation qui doit être faite par les pays membres à ce sujet et je m’en réjouis? Cependant dans l’attente d’une réponse de la part des autorités européennes, n’y a-t-il pas lieu d’accorder une protection maximale afin d’éviter des atteintes irréversibles ? Car la non protection de ces chênées risquerait de remettre en cause la cohérence même du réseau Natura 2000 au niveau wallon.

Enfin, cela démontre à nouveau la nécessité d’aboutir à une réforme du Code forestier qui prenne en compte ces aspects de gestion durable de la forêt. Pouvez-vous nous indiquer quand ce projet de décret aboutira au Parlement wallon ?

Je vous remercie,Carlo DI ANTONIO.

M. Benoît Lutgen, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme. – Ces chênaies de substitution sont des forêts composées essentiellement de chênes et qui ont été modelées par l'action de l'homme. Pour des raisons purement économiques, fin des années 1800, début des années 1900, le chêne a été favorisé dans de nombreuses régions au détriment du hêtre.

Sans entrer dans un débat trop scientifique, dans le cas qui nous concerne, les groupements végétaux relatifs à la hêtraie sont classifiés, selon les conditions du milieu, en « luzulo-fagetum » ou « asperulo-fagetum ». Et selon les écoles, les chênaies de substitution sont soit intégrées dans ces deux associations, soit classifiées à part.

La directive « Habitat s » 92/43/CEE définit les « habitats naturels d'intérêt communautaire » et on y retrouve textuellement :

  • code 9110 : hêtraies de luzulo-fagetum
  • code 9130 : hêtraies du asperulo-fagetum.

La question est bien réelle : doit-on considérer seulement les peuplements constitutés de hêtres des associations de l'asperulo-fagetum et du luzulo-fagetum ou l'entièreté de ces associations en ce compris, comme en Flandre ou en France, les chênaies de substitution ?

C'est cette question que j'ai posée à la Commission européenne et dont j'en attends la réponse.

La DNF a jusqu'ici adopté une position restrictive ne considérant pas ces chênaies comme des « habitats d'intérêt communautaire ». Par conséquent, aucun permis d'urbanisme n'était nécessaire pour modifier la végétation de ces chênaies.

Dans l'attente de la réponse de la Commission européenne, j'ai donné instruction, en appliquant ainsi le principe de précaution, à la DNF de considérer désormais ces chênaies comme habitat d'intérêt communautaire.

Je pense donc qu'il est trop tôt pour spéculer sur le futur du réseau Natura 2000 en Région wallonne. Nous devons attendre la réponse de l'Europe. Pour répondre plus spécifiquement à Mme Cassart et M. Meureau, je comprends que les citoyens attendent une avancée claire sur les arrêtés de désignation. Les travaux de négociation sur le premier arrêté sont toujours en cours. Vous comprendrez qu'une négociation pareille prend du temps, tant les préoccupations des intervenants sont différentes. Ce premier arrêté devant servir de modèle de référence, sa finalisation doit absolument être soignée. Une réunion hebdomadaire, avec tous les partenaires, est prévue jusque fin décembre sur ce sujet en mon cabinet.

Je veux vraiment que ce projet soit le résultat d'un processus démocratique, dans lequel les citoyens auront eu leur mot à dire. C'est à ce titre, j'en suis convaincu, que nous réussirons cet ambitieux défi de protéger la biodiversité.

En ce qui concerne le Code forestier, je répondrai à MM. Di Antonio que je dois valider avec mes collègues du Gouvernement wallon un certain nombre de grandes orientations qui marqueront ce code. Des modifications ont encore été apportées la semaine dernière. Le texte sera finalisé rapidement, nous discuterons avec tous les acteurs des modalités d'application de ces grandes orientations.