M. Carlo Di Antonio – Lors de la trente-troisième conférence générale de l’Unesco qui s’est déroulée à Paris, en octobre dernier, la diversité culturelle a remporté une grande victoire. En effet, une large majorité d’États a adopté la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Nous avons toujours été enclins à défendre celle-ci, notamment au sein des Forums mondiaux. Rappelons que la position de la Communauté en cette matière remonte au début des années nonante, dans le sillage des réflexions menées au Québec.

Nos réflexions ont rapidement abouti à une approche favorisant l’absence de la culture des grands accords commerciaux internationaux. En dépit de nos nombreux efforts, il nous manquait une vision à long terme proactive, efficace et durable. Aujourd’hui, à l’Unesco, nous avons obtenu un instrument juridique international protecteur de la diversité culturelle.

Le projet de décret qui nous est soumis aujourd’hui ne remet nullement en question les bénéfices du commerce international. Nous croyons sincèrement que les accords commerciaux seront, à terme, profitables aux consommateurs. Mais le contexte actuel de libéralisation des échanges amène à prendre conscience des bienfaits que peut engendrer une mondialisation maîtrisée, à visage humain.

En ce sens, la convention sur la diversité des expressions culturelles pourrait devenir une référence pour d’autres secteurs. Nous avons conservé les caractères de notre culture en nous donnant les moyens d’en assurer le rayonnement. Il ne faudrait pas que la libre concurrence devienne un facteur de standardisation et de banalisation de l’expression culturelle.

Voilà pourquoi il faut considérer le texte de l’Unesco comme une étape majeure dans la sauvegarde de l’héritage culturel mondial. Ne nous voilons néanmoins pas la face : le chemin reste long et notre vigilance doit rester intacte et constante. La ratification de la convention représente un défi qu’il ne faut pas sous-estimer. Pour qu’elle obtienne un véritable impact, elle devra être ratifiée par plus de trente pays pour entrer en vigueur.

Cet objectif ambitieux n’est réalisable que si la société civile et les gouvernements continuent à collaborer. Nous devrons donc veiller à ce que les gouvernements militant pour la défense de la diversité culturelle restent mobilisés et poursuivent leur sensibilisation afin que la convention soit signée et porte tous ses fruits.

À l’instar de Mme Derbaki-Sbaï, j’aimerais rappeler la démarche dangereuse des États-Unis qui font pression sur certains pays pour la conclusion d’accords bilatéraux avant qu’ils ne ratifient le texte. Il est de notre devoir d’inciter ces pays à nous rejoindre et à ratifier le texte. Je salue par ailleurs l’insertion de la clause relative à la ratification de la convention, qui est désormais inscrite dans nos accords de coopération avec des partenaires potentiels.

Toutefois, la ratification ne suffit pas. L’Unesco doit assumer le rôle clé qui lui a été assigné dans la convention : celui de recueillir et de diffuser toute information pertinente qui permette de comprendre l’état des industries créatives dans chaque pays, et d’analyser le déséquilibre actuel dans le commerce des biens et services culturels. Pour amorcer cette dynamique, elle devrait idéalement convoquer une rencontre des États partenaires dès que trente pays auront ratifié la convention.

En outre, le débat sur la diversité culturelle ne doit pas se limiter à une confrontation d’intérêts entre pays habituellement producteurs de biens et services culturels. À ce titre, il faut reconnaître la situation particulière des pays en voie de développement, qui nécessite une attention soutenue pour affermir leur volonté d’action dans le domaine du développement culturel, leur permettre de déployer le potentiel économique de leur production culturelle propre et, enfin et surtout, leur en donner l’accès. Dans ce sens, la création d’un fonds international pour la diversité culturelle est de bon augure, mais il conviendra également de promouvoir le financement de la création culturelle dans les pays concernés.

Finalement, j’aimerais rappeler un élément que la ministre a soulevé en commission : l’attitude dangereuse de la Flandre, qui a déclaré unilatéralement que la convention ne créait pas de droits individuels, est en absolue contradiction avec la teneur des débats qui ont entouré sa rédaction, et avec le prescrit du texte. Si chaque État devait y aller de sa propre déclaration unilatérale interprétative, ce bel outil de droit international se verrait vidé de sa substance universelle.