La prise en compte du secteur du transport aérien dans le système européen d'échange de droits d'émissions de CO2.

Question écrite du 12/10/2005

Depuis le 1er janvier 2005, plusieurs centaines d'entreprises belges participent au système d'échange de droits d'émission de C02 avec comme objectif la réduction des émissions et, donc, la lutte contre le réchauffement climatique.

Outre le rejet par les entreprises, le chauffage domestique et le transport sont deux secteurs particulièrement polluants pour lesquels des mesures doivent être prises sous peu.

Ainsi, mardi dernier, la Commission européenne a proposé d'inclure le secteur aérien dans ce système européen d'échange de droits d'émission de C02. Il était en effet anormal que le secteur aérien ne soit pas impliqué dans cet effort pour un environnement meilleur.

On peut espérer que cette mesure, sans doute d'application en 2008 ou en 2009, aura pour conséquence d'inciter les compagnies à privilégier des moteurs moins polluants ou tout autre technique diminuant la consommation (aérodynamique, partenariat entre compagnies, utilisation du train sur les courtes distances, ...).

Mais, outre du C02, les avions rejettent entres autres des oxydes d'azote NOx, des hydrocarbures résiduels (VOC), du dioxyde de souffre (S02) et des vapeurs d'eau qui, à haute altitude, se révèlent tout aussi, si pas plus, nocives pour le climat. De plus, à régime élevé, donc au décollage et en montée, ce sont les émissions de NOx et d'hydrocarbures qui dominent, avec donc des retombées importantes pour les populations riveraines (les émissions de NOx d'un avion lors d'un cycle LTO standard (« Landing-¬take off » (approche, roulage, décollage et montée jusqu'à 1.000 mètres environ) sont comparables à l'émission de 17 poids lourds (ou de 160 voitures) parcourant 100 km chacun).

Imposer des moteurs qui dégagent moins de NOx serait donc favorable à moyen terme pour notre climat, mais aussi sans doute à court terme pour la qualité de l'air des riverains des aéroports. Des recherches intéressantes existent sur des projets de moteurs à moindre rejet de NOx, mais seule la contrainte obligera les compagnies à aller rapidement dans ce sens.

Je pense donc qu'il serait opportun que la directive européenne qui sera discutée prochainement au Parlement européen et soumise aux gouvernements des 25, intégre cette problématique des NOx. Rappelons en effet que le protocole de Kyoto porte sur les gaz à effet de serre et pas seulement sur le C02. Si, pour d'autres secteurs, réduire le taux de C02 est un objectif certes basique, mais suffisant dans un premier temps, je pense que pour le transport aérien le rejet de NOx et un problème majeur qui devrait être abordé immédiatement.

Une autre piste consistera à taxer les avions les plus polluants lors de chaque décollage en Wallonie. Il existe en effet une forte disparité entre les différents types d'avions et il faut trouver une solution pour pénaliser les modèles les moins propres. Une expérience de taxation pour les avions les plus polluants en NOx et VOC est en cours à Zurich. Il pourrait être intéressant de s'en inspirer. Elle consiste en un système de bonus malus : les moins polluants voient leur taxe d'atterrissage diminuer aux dépens des plus polluants

J'aimerais savoir si Monsieur le Ministre dispose de chiffres sur les rejets de NOx à proximité des aéroports wallons, connaître son avis sur le projet de directive et l'entendre sur les initiatives qui pourraient être prises en ce domaine.

Réponse du 24/10/2005

Le texte qui a été présenté par la Commission est basé sur une stratégie qui vise à contrôler l'impact sur les changements climatiques. Cette stratégie est un premier pas qui sera suivi par la rédaction de directives.

La Commission partage la même préoccupation que celle à laquelle l'honorable Membre fait référence, c'est-à-dire la maîtrise des émissions de l'aviation pour tous les polluants émis.

Il est ainsi envisagé d'élargir le secteur « trading », actuellement soumis aux quotas d'émission, aux avions pour les émissions de CO2, mais aussi de NOx (oxydes d'azote).

L'équilibre de ce texte européen a été validé par une étude d'impact.

Je tiens cependant à préciser qu'en Région wallonne, même si les émissions du transport sont en constante augmentation, le transport aérien reste un émetteur marginal au regard des autres modes de transport.

D'après les relevés du Ministère, cette source contribue pour environ 1 % des émissions de CO2 et de NOx, alors que les transports dans leur ensemble représentent une source nettement plus importante (20 % du CO2, 45 % des NOx).

Je préciserai en outre que nous n'avons pas attendu ces recommandations européennes pour nous soucier du problème.

Les éléments suivants peuvent être rappelés à l'honorable Membre :

- la politique ambitieuse, et assez unique en Europe, de mesures relatives à l'impact sonore des activités aéroportuaires en Wallonie a aussi un effet bénéfique sur la problématique des rejets de gaz ; la Région est en effet en avance par rapport aux directives européennes quant à l'utilisation de ses plates-formes aéroportuaires d'avions de chapitre 2, généralement plus anciens et plus polluants que les chapitre 3, seuls autorisés à voler de nuit sur notre territoire ;

- la même politique amène les compagnies à moderniser leur flotte, donc à acquérir des avions de dernière génération, moins polluants ;

- les procédures de moindre bruit adoptées sur les deux aéroports ont aussi des effets bénéfiques en matière d'émission de gaz polluants ;

- les deux principaux opérateurs que sont TNT à Liège et Ryanair à Charleroi, sont connus pour la modernité de leur flotte, sans cesse renouvelée, avec des appareils moins bruyants et moins polluants ;

- il existe un dialogue permanent avec les compagnies utilisatrices des deux aéroports wallons au sujet des problématiques d'émissions sonores et atmosphériques, de qualité de flotte, etc.

Par ailleurs :

- à Liège, une campagne de mesures a été menée par l'Institut scientifique de service public (ISSeP), à la demande du Ministre de l'Environnement du précédent Gouvernement, dont il est ressorti que l'impact de l'activité de Liège Airport en matière d'émissions gazeuses était négligeable ;

- la compagnie TNT, dans le cadre de son CPPT, a commandé à une firme indépendante une étude sur les risques éventuels pour le personnel par rapport à des émissions gazeuses durant ses périodes de haute activité. La conclusion des experts était qu'un membre du personnel de TNT travaillant sur la dalle de nuit, lorsque tous les avions et engins de piste étaient en activité, subissait moins de pollution qu'un piéton sur la Place Saint-Lambert.

Néanmoins, nous ne sommes pas opposés au principe de systèmes amenant ou contraignant les compagnies à faire des efforts en la matière, et ce, pour autant, bien entendu, que tous les opérateurs soient soumis à un régime analogue sur le territoire de l'Union européenne.

Mais nous serions partisans d'un système d'incitants plutôt que de pénalités.

Notre politique en matière d'émissions sonores est déjà contraignante ; si nous y ajoutons des contraintes d'un autre ordre, nous risquons de décourager les compagnies candidates à une exploitation à partir de Liège Airport ou de Charleroi Brussels South, ce qui serait en contradiction avec le Plan d'actions prioritaires pour l'avenir wallon, qui fait du transport et de la logistique un axe majeur de redéploiement.

Je terminerai en précisant que mon Collègue en charge de l'Environnement, à qui la question de l'honorable Membre était également adressée, compte mettre à profit la remise en fonction de la SPCQA (Structure permanente de concertation pour la qualité de l'air) afin de discuter avec les Ministres de la Mobilité et du Budget, des mesures concrètes qui devront être mises en ?uvre, en conformité avec le Droit de l'Union européenne.