DÉVELOPPEMENT

Considérant que plusieurs Régions d’Europe, soucieuses de protéger l’agriculture de qualité qu’elles estiment menacée par les cultures transgéniques, ont adopté le 4 février 2005 la Charte de Florence.

Cette charte des Régions porte sur la coexistence entre les O.G.M. et les cultures traditionnelles et biologiques. Elle dénonce le fait que les agriculteurs ayant choisi de ne pas cultiver d’O.G.M. ne sont aujourd’hui pas suffisamment protégés contre les pollutions génétiques irréversibles.

Elle relève que les conséquences de la mise en culture des O.G.M. ne concernent pas seulement la santé et l’environnement, mais aussi les conditions de fonctionnement social et économique des collectivités. En outre, elle constate que la législation européenne actuelle ne prévoit pas la responsabilité civile des entreprises biotechnologiques en cas de contamination d’autres cultures et ne fait aucunement référence au principe du pollueur-payeur, explicitement prévu par les traités de l’Union européenne.

Afin d’assurer une réelle coexistence, les Régions signataires estiment qu’une protection doit être accordée aux productions traditionnelles et biologiques. Par ailleurs, elles demandent que les procédures d’autorisation des O.G.M. soient subordonnées, outre le respect du principe de précaution, de prévention et d’éthique, à la présence d’effets positifs pour le consommateur.

Considérant que la question des O.G.M. fait l’objet d’une répartition de compétences complexe entre les autorités européennes, fédérales et régionales. Le socle en est la directive 2001/18/C.E. relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement qui définit les O.G.M. et détermine les conditions d’autorisation et de dissémination volontaire, ainsi que les conditions de mise sur le marché. Cette directive a été transposée en droit belge par l’arrêté royal du 21 février 2005.

Considérant que la Région wallonne est uniquement compétente pour légiférer sur la coexistence. En l’absence de réglementation régionale, toute plante O.G.M. autorisée par l’Union européenne peut actuellement être cultivée en Région wallonne moyennant l’information du S.P.F. Santé publique - Environnement. C’est le cas de variétés autorisées dans l’Union européenne et cultivées essentiellement en Espagne. Il n’y a pas de cultures O.G.M. en Région wallonne.


Considérant qu’il ressort des différentes auditions organisées par le Parlement une série de constats qui peuvent être résumés comme suit :

1. Les O.G.M. actuellement disponibles sur le marché ne constituent pas un plus pour l’agriculture. Les variétés dont la commercialisation a été autorisée au niveau européen sont peu adaptées à nos terroirs et à nos climats. Leur autorisation et leur utilisation auraient comme conséquence d’accroître la dépendance des agriculteurs vis-à-vis des producteurs de semences et/ou des firmes phytosanitaires.

De manière plus générale, l’intérêt agronomique des O.G.M. existants est bien éloigné des espoirs des pionniers de l’ingénierie génétique qui visait à : – obtenir plus rapidement que par voie de sélection classique des variétés plus à même de répondre aux défis de l’alimentation ; – conférer aux espèces cultivées des qualités nutritionnelles accrues ou une aptitude plus grande à la culture dans des milieux difficiles (manque ou excès d’eau, excès de sel, sols pauvres, conditions d’altitude…); – faire produire par des plantes des produits non alimentaires à vocation pharmaceutique ou autres.

2. Compte tenu de l’actuelle perception par la société, l’introduction d’O.G.M. donnerait une mauvaise image de notre agriculture auprès de consommateurs qui, après les crises alimentaires successives, veulent des produits agricoles de qualité et refusent massivement les O.G.M.

Le consommateur ne peut tirer aucun avantage direct de la génération actuelle de plantes transgéniques capables de repousser certains insectes ou de résister à certains herbicides. Ce type de produit ne présente aucun avantage en termes de prix. Par ailleurs, il subsiste de multiples interrogations quant aux risques potentiels au niveau de la santé (allergies, résistances accrues aux antibiotiques …) et au niveau de l’environnement (dissémination non maîtrisée d’un gène de résistance, utilisation importante d’herbicides, impact sur la biodiversité sauvage).

Mis en culture, certains des O.G.M. actuellement proposés risqueraient fortement de contaminer l’agriculture traditionnelle et l’agriculture biologique. La coexistence sans contamination semble impossible pour certaines espèces très invasives, comme le colza par exemple. Pour d’autres espèces, la coexistence est possible mais impose des précautions coûteuses.

3. Le risque pour l’environnement est réel même s’il est difficile à prévoir et à mesurer. Les atteintes potentielles à la biodiversité ne doivent pas être sous-estimées. Cela peut conduire à des déséquilibres irréversibles avec, à terme, la disparition de certaines espèces. Même si la probabilité de ce genre d’événement (fuite d’un gène, disparition de certaines variétés …) est faible, ses conséquences peuvent être graves pour notre environnement, car difficilement réversibles.

4. La coexistence est impossible à établir pour toutes les espèces. Par ailleurs, la mise en place de trois filières distinctes et cloisonnées entraînera un surcoût pour le consommateur, voire même pour le producteur non O.G.M.

5. La mise en place d’un système de contrôle va coûter très cher. Il ne serait pas normal que ce système soit mis à la charge d’agriculteurs qui n’ont pas fait le choix des cultures transgéniques. Des incertitudes persistent quant à la prise en charge de l’organisation et du paiement de ce contrôle pourtant indispensable si on veut assurer l’étanchéité des filières.

6. La question de la responsabilité civile en cas de contamination accidentelle reste non résolue et aucune compagnie d’assurances n’accepte aujourd’hui la couverture de ce risque.

Le Parlement, en conclusion, estime qu’il est nécessaire de respecter le standstill actuel (droit à un environnement sain et absence de culture en Wallonie) sans fermer la porte aux recherches et à l’apport éventuel de nouvelles générations d’O.G.M. Le Parlement estime aujourd’hui, compte tenu des variétés O.G.M. proposées, et en application du principe de précaution, que la Wallonie doit rester une zone sans O.G.M. en milieu non confiné.

Le Parlement estime cependant qu’il ne faut pas fermer la porte aux biotechnologies et veut rester attentif et ouvert à une future génération d’O.G.M. qui présenterait des caractéristiques utiles à la société. En effet, la science continue à évoluer, et diverses nouvelles techniques apparaissent.

Des travaux scientifiques sont en cours, et fermer la porte définitivement aux O.G.M. risquerait de démotiver des équipes de recherche, privées de perspectives. Il est difficile de prévoir aujourd’hui ce que la recherche sera en mesure de proposer dans quelques années. Il semble que des avancées soient possibles dans le domaine de la résistance aux maladies cryptogamiques (oïdium, mildiou, rouille) ou encore la production de biocarburants, la teneur en huiles utiles de certains oléagineux, en sucre fermentescible de la betterave ou du topinambour ou encore de la teneur en amidon de certaines céréales. L’agriculture wallonne ne peut se priver d’une possibilité utile qui serait partagée par les régions et pays voisins, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Dans le cadre du «Plan d’actions prioritaires pour l’avenir wallon», des pôles sciences du vivant et agroalimentaire ont été identifiés. Il serait intéressant de définir entre agriculteurs, citoyens, centres de recherches et laboratoires universitaires d’éventuels projets innovants pour une agriculture de qualité incluant notamment la technique O.G.M.


PROPOSITION DE RÉSOLUTION visant à assurer la qualité de l’agriculture et de l’environnement wallonsen matière de biodiversité génétique


Le Parlement demande au Gouvernement que le projet de décret-cadre qui est en préparation intègre les éléments et principes suivants :

– Le respect du principe de précaution Ce principe est un préalable à toute introduction d’O.G.M. dans l’agriculture wallonne. Dans un souci de sécurité maximale, les garanties en termes de santé et d’environnement doivent être réunies. En principe, les variétés autorisées par l’Europe doivent remplir ces conditions. Cependant, à ce jour, certaines variétés d’O.G.M. (1), quand bien même leur commercialisation aurait été autorisée au niveau européen, font encore l’objet de multiples contestations et controverses.

– La liberté de choix pour l’agriculteur Il faut permettre aux agriculteurs de pouvoir choisir le type de cultures qu’ils souhaitent. Ce qui implique à la fois la pureté des semences et la totale étanchéité des filières pour pouvoir déterminer les responsabilités en cas de contamination.

– L’information du consommateur Il faut également permettre le choix des consommateurs, notamment grâce à un étiquetage clair et précis et des contrôles efficaces et indépendants. Par ailleurs, le décret sur la coexistence va permettre de donner au consommateur de meilleures assurances par rapport aux choix de consommation de produits non O.G.M.

– La prise en compte de la recherche et des innovations en matière de biotechnologies Les plantes transgéniques ne constituent qu’une partie des biotechnologies. Il ne faut donc pas renoncer à ces techniques qui sont encore appelées à progresser au cours des prochaines années, que cela soit dans les domaines de la santé, des applications industrielles ou de l’agroalimentaire. En Belgique, 90 % de la recherche O.G.M. portent sur des produits (médicaments, compléments alimentaires) liés au milieu confiné. Il s’agit de produits de haute valeur ajoutée.

– La mise en place d’un groupe permanent chargé de classer les O.G.M. en deux catégories 1. Catégorie «coexistence impossible» : définition de règles très strictes, cautions importantes, responsabilité objective … rendant toute culture impossible. Dans cette catégorie, se retrouvent tous les O.G.M. actuellement proposés sur le marché. La Wallonie serait donc de fait une «zone sans O.G.M.». 2. Catégorie «coexistence organisée» : règles permettant, moyennant des précautions, la mise en culture effective par des agriculteurs wallons. Pourraient entrer dans cette seconde catégorie de futurs O.G.M. dans la mesure où ils respectent les trois conditions suivantes :

           a. coexistence organisée possible sans coût prohibitif: c’est-à-dire espèce qui ne se croise pas avec les espèces sauvages présentes en Wallonie et sans impact sur l’entomofaune ou O.G.M. issu d’une technique qui empêche la contamination ;
           b. intérêt cultural : résistance à une maladie fréquente… ou toute qualité nouvelle présentant un intérêt certain pour l’agriculteur que la sélection classique ne permet pas de résoudre ;
           c. qualité supérieure : meilleure conservation, rendement supérieur … ou toute qualité nouvelle présentant un intérêt réel pour le consommateur et l’industrie que la sélection classique ne permet pas d’apporter.

Ce groupe permanent devra être composé de scientifiques, de représentants des agriculteurs, des consommateurs, des associations de défense de l’environnement…

-L’autorisation préalable de mise en culture Pour les O.G.M. qui ont passé ce premier filtre et qui présentent un intérêt pour l’agriculteur et la société, il faut instaurer une autorisation préalable de mise en culture (à ne pas confondre avec la mise sur le marché qui est du ressort européen).

Cette autorisation doit être conditionnée par : – l’introduction d’un dossier complet auprès de l’administration ; – la notification auprès des producteurs voisins pour s’assurer du respect des distances de séparation entre cultures O.G.M. et autres types de cultures.

Un registre des autorisations données sera par ailleurs tenu par l’administration. -L’agrément des acteurs concernés

Mis à part l’exploitant agricole d’O.G.M., il paraît essentiel de viser également d’autres acteurs impliqués dans ce processus de production. Tel est le cas des personnes ou entreprises chargées du transport, du stockage, de la transformation … jusqu’au moment où ces produits ne répondent plus à la définition O.G.M.

– La détermination de pratiques culturales à respecter

Pour chaque variété O.G.M. qui sera versée dans la catégorie «coexistence possible», il est essentiel de prévoir des prescriptions techniques liées aux pratiques culturales (distance de séparation entre les cultures, rotations, obligations lors des semis et des récoltes …) mais aussi aux conditions de transport et de stockage.

– Le respect du principe du pollueur-payeur

Dans les contaminations, il faut distinguer celles qui relèvent du fait d’un pollueur identifié qui n’aurait pas respecté les pratiques culturales de celles qui relèventd’une pollution fortuite. Dans ce dernier cas, l’application du principe du pollueur-payeur n’est pas possible. Mais l’indemnisation de la perte économique doit être assurée (cfr infra).

-La création d’un fonds d’indemnisation auquel devront contribuer l’ensemble des acteurs de la filière O.G.M. concernée, des semenciers aux agriculteurs

En cas de pollution fortuite, où le pollueur n’est pas identifié, il est indispensable de prévoir un mécanisme d’indemnisation efficace pour l’agriculteur qui voit sa récolte déclassée ou détruite en raison d’une contamination génétique. Cela peut se concevoir au travers d’un système de responsabilité collective à charge de l’ensemble des opérateurs ayant mis en culture, transporté, stocké ou transformé des P.G.M. (2) de l’espèce impliquée, y compris les semenciers à l’origine de la variété d’O.G.M. incriminée.

Pour ce faire, ces acteurs doivent contribuer à un fonds de solidarité pour la compensation des pertes économiques. La cotisation pourrait être perçue en fonction du danger potentiel que représenterait la P.G.M. et modulée sur la base de critères comme l’espèce, la superficie cultivée … Elle doit intégrer le coût des contrôles liés à la mise en place de cultures O.G.M.

– La mise en place d’un comité de biovigilance afin de prendre en compte les conséquences éventuelles des O.G.M. dans la nature.




C. DI ANTONIO
A.-M. CORBISIER-HAGON
R. THISSEN




(1) Maïs Mon 863. La validité de l’étude scientifique a été sérieusement mise en cause. Il semblerait que la durée de l’étude ait été trop courte (à peine treize semaines) et l’échantillon des rats ayant fait l’objet de ces tests extrêmement réduit (à peine une vingtaine par groupe d’expérience). Cette étude menée en toute hâte est loin de s’inscrire dans les recommandations de l’O.M.S. qui insiste sur la nécessité de mener de nouvelles études sur la toxicité à long terme.

(2) P.G.M. = plantes génétiquement modifiées.