J’aimerais, à l’occasion de ce débat, évoquer certaines demandes exprimées par les acteurs culturels et faire le lien avec les problèmes vécus par ces mêmes opérateurs depuis la mise en œuvre du plan Magellan à la RTBF.

Nos discussions récentes sur la préservation de la diversité culturelle nous ont amenés à réaffirmer notre volonté de préserver la capacité d’intervention des pouvoirs publics en matière culturelle et de soutenir toutes les formes d’expression culturelle, particulièrement les plus locales, les plus marginales et les moins commerciales.

Pour bon nombre de projets culturels, cette nécessité d’un soutien public en matière de création se double d’un besoin d’aide en matière de diffusion. Les États généraux de la Culture nous rappellent presque systématiquement ce besoin pressant d’espace de diffusion. Face à la toute puissance de la communication organisée par les multinationales, les porteurs de projets culturels plus modestes, à dimension régionale voire sous-régionale, peinent à diffuser leurs œuvres et leurs créations.

Dans ce contexte, la radio-télévision de service public constitue souvent l’ultime chance de diffuser son projet et de toucher un public. Il devrait couler de source qu’un projet culturel dont l’émergence a été possible grâce au soutien de la Communauté française trouve automatiquement à la RTBF un support de diffusion. Je constate néanmoins que, depuis la mise en œuvre du plan Magellan, ces partenariats sont plus difficiles à mettre en œuvre, en particulier pour les opérateurs plus petits. Si les opérateurs les plus importants ont des relais à la RTBF, pour les autres par contre, négocier un partenariat ressemble à un parcours du combattant. Cela peut s’expliquer de trois manières. Et j’espère que vous contredirez la troisième.

Une première raison serait l’absence d’intégration du nouveau système par le personnel de la RTBF et par les opérateurs culturels. Les interlocuteurs ont changé ; l’information circule mal et chaque étape nécessite un relais différent : une première personne pour un accord de principe sur la collaboration, une deuxième pour la programmation de l’œuvre ou de l’annonce, une troisième pour réaliser le spot qui passera sur antenne, et ainsi de suite. La structure administrative est devenue plus lourde et plus bureaucratique que jamais. La gestion d’un partenariat avec une seule des chaînes de la RTBF prend trois fois plus de temps et nécessite trois fois plus d’intervenants que précédemment.

Une deuxième raison est la répartition géographique. Un Liégeois désirant collaborer avec Vivacité aura plus de difficultés qu’un Montois. Le contact local qui existait précédemment a été rompu. Pour remédier à cet obstacle, il suffrait que chaque implantation de la RTBF institue une personne-relais unique pour gérer toutes les étapes d’un partenariat, et ce avec n’importe quelle chaîne de la RTBF. Autrement dit, une sorte de guichet unique au service des milieux culturels et associatifs. Ce serait une solution efficace, sauf si l’origine de cette complication administrative et organisationnelle est ailleurs.

Une troisième raison ne serait autre qu’un agenda caché. J’ose à peine imaginer que, dans la course à l’audience, il ait été décidé de limiter cette forme de diffusion au profit de rubriques plus commerciales censées attirer plus de téléspectateurs. Y a-t-il encore à la RTBF la volonté d’être le relais de l’information culturelle et associative locale ? Pour l’organisateur de concert comme pour l’opérateur des secteurs jeunesse et éducation permanente, la RTBF constitue souvent, avec la gazette et la télévision locales, le seul relais pour diffuser un spectacle, une activité ou une initiative socioculturelle. Si l’enjeu est grand pour le monde culturel et pour le maintien d’une certaine diversité dans notre Communauté, je crois qu’il l’est tout autant pour la RTBF elle-même.

La désorganisation actuelle de la RTBF complique, freine, voire diminue la diffusion des projets culturels et associatifs de notre Communauté. Mais l’effet retour pourrait être fatal à son audience. D’ailleurs, pour certains projets, d’autres radios et télévisions prennent déjà le relais de la radio-télévision publique, devenant ainsi les partenaires privilégiés des associations et des acteurs culturels.

Parmi les événements importants, citons le Festival de Nandrin qui est passé à la concurrence essentiellement pour les raisons que j’ai évoquées. Si ce mouvement devait s’accentuer, la RTBF perdrait encore des auditeurs qui migreraient vers d’autres fréquences, en même temps que les projets qu’ils soutiennent. La RTBF manquerait aussi à ce qui, à mon sens, est l’une de ses principales missions, à savoir diffuser les productions et relayer les projets de notre Communauté. Si tel devait être le cas, c’est l’existence même du projet RTBF et de son financement qui devrait être remise en question.